Berthold_AfficheCompte rendu de la conférence d’Étienne Berthold

La population du Vieux-Québec : mythe et réalités

Morrin Centre, Salle College Hall (44, Chaussée des Écossais, Québec)

Mercredi le 28 octobre 2015

 

Auteure : Sandrine Tremblay-Lemieux*

Détails de l’événement

Le conférencier, M. Étienne Berthold est professeur adjoint au Département de géographie et directeur du Certificat en développement durable de l’Université Laval. Ses recherches portent sur la conservation viable du patrimoine urbain, dont celui du Vieux-Québec. Il collabore d’ailleurs activement avec plusieurs organismes chargés de la mise en valeur de ce quartier. Il a publié, en 2013, une étude sur l’évolution du marché immobilier du Vieux-Québec entre 1997 et 2011.

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Une rue du Vieux-Québec. Image libre de droits.

Le Vieux-Québec, ce quartier central à l’architecture unique est connu de tous les touristes et reconnu comme véritable bijou du patrimoine mondial. Alors qu’il est un poumon de l’économie touristique, certains oublient qu’il est un secteur résidentiel de la ville. Le quartier a été beaucoup étudié, mais peu de résultats de ces études ont été diffusés.

Que connaît-on véritablement de la population résidant dans ce secteur?

Voici cinq idées préconçues répandues sur les logements et les habitants du Vieux-Québec.

  1. « Personne n’habite le Vieux-Québec »

En réalité, selon le recensement de 2011, plus de 4000 personnes résident dans le quartier. La population du Vieux-Port serait même en augmentation depuis 2006.

  1. « Il n’y a pas de jeunes dans le Vieux-Québec »

Cette affirmation n’est pas totalement vraie, si on élargit la définition de « jeunes ». En effet, après St-Jean-Baptiste, le Vieux-Québec représente le quartier central avec le plus grand nombre de personnes âgées entre 20 et 44 ans.

  1. « Le Vieux-Québec est réservé aux personnes riches »

Dans les faits, la disparité des revenus dans le quartier se fait remarquer. S’il est vrai que dans le Vieux-Port les revenus des habitants sont en moyenne plus élevés, la population qui habite les logements situés à l’intérieur des fortifications a des revenus qui varient entre 20 000 $ et 54 000 $.

  1. « L’immobilier du Vieux-Québec est hors de prix »

La grande majorité (80 %) des propriétés du secteur du Vieux-Québec sont à usage résidentiel. Les propriétés sont en moyenne 22 % plus chères qu’ailleurs en ville, mais sont influencées par la même augmentation des prix de 8-10 % depuis 10 ans.

  1. « Il y a juste des condos dans le Vieux-Québec »

À partir des années 1980, le marché des condominiums a pris d’assaut le secteur, et ceux-ci constituent maintenant la majorité des logements. En effet, 70 % des logements sont des condominiums et 25 % sont des logements locatifs. Il y avait très peu de maisons unifamiliales (soit 18) en 2005.

Dans une étude en cours, le conférencier tente d’analyser le comportement des propriétaires non résidents, c’est-à-dire des propriétaires qui possèdent un logement dans le Vieux-Québec sans y résider. Ce genre de propriétaire est présent dans le Vieux-Québec depuis quelques décennies, mais a été peu étudié. M. Berthold explique cette situation par le manque d’informations de recensement pour ces adresses. Afin de réaliser une analyse sur un corpus de 2900 propriétés, le rôle d’évaluation, le registre foncier ainsi que des données concernant la consommation énergétique des ménages ont été utilisées en plus d’entrevues avec des résidents du secteur.

Plusieurs croient, à tort, que des spéculateurs américains possèdent la majorité des propriétés. Le phénomène de spéculation foncière se produit lorsque des personnes ou des sociétés achètent une propriété dans un secteur de surenchère pour la revendre rapidement, ou qu’ils détiennent de l’information privilégiée pour acheter dans un secteur sous-évalué pour revendre dans le futur. En fait, dans le Vieux-Québec, seulement 30 % des logements sont possédées par des propriétaires non résidents.

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Photo de Greymouser, Creative Commons BY-SA 3.0. Certains droits réservés.

Contrairement à ce que l’on entend souvent, ce ne sont pas des Américains qui possèdent ces résidences, mais bien des gens de la grande région de Québec (CMQ), dans 62 % des cas. Selon les analyses de M. Berthold, à peu près 20 % de ces propriétaires résideraient même dans un rayon de 3,5 km du Vieux-Québec. De manière encore plus rapprochée, 11 % des propriétaires non-résidents possèdent plus d’une propriété dans le Vieux-Québec, dans le même bâtiment ou non. Certaines pistes avancées par M. Berthold pourraient expliquer cette situation : certains possèdent des pieds à terre, des propriétés offertes en location, des logements loués à des fins touristiques, ou tout simplement, des logements inoccupés. Certains participants à la conférence ont avancé d’autres possibilités : logements achetés par des parents pour leurs enfants aux études ou logements en attente d’être loués.

Dans une large mesure, il est possible de dire que les propriétés du Vieux-Québec appartiennent à des intérêts locaux. Même si certaines pratiques peuvent s’apparenter à la spéculation, elles ne sont pas liées à un groupe limité de personnes ou à une seule nationalité. Selon l’auteur, ces généralisations nous éloignent d’une compréhension réaliste de la situation.

M. Berthold invite les auditeurs à se rendre sur le site web www.quartierscentraux.com pour consulter plusieurs rubriques sur les quartiers centraux de la ville de Québec.

* Sandrine Tremblay-Lemieux est candidate à la maîtrise en Architecture et à la maîtrise en sciences de l’architecture à l’Université Laval