IPAM, 2018

Compte rendu du « Forum démocratie participative: quel avenir pour Montréal ? »

 

Organisé par l’Institut des politiques alternatives de Montréal (IPAM)
Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, 21-22 septembre 2018
Par Nadim Tadjine, doctorant, École de Design de l’Université Laval et agent de recherche, réseau Villes Régions Monde

 

 

Présentation

Réfléchir à l’avenir de Montréal en matière de démocratie participative et de mécanismes de participation publique, tel était le défi que s’est lancé l’IPAM le week-end dernier, en organisant le 1er Forum international de la démocratie participative à Montréal.

Cet événement marque le début d’une collaboration entre l’IPAM, la Ville de Montréal et la société civile, afin d’entamer une réflexion collective et collaborative sur les politiques de participation publique à Montréal. Plus largement, cet échange s’inscrit dans une révision de la politique de participation publique de la Ville de Montréal et une bonification de la relation entre les décideurs politiques et société civile.

Organisé en partenariat avec la Ville de Montréal, la fondation McConnell, le ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire et la Caisse d’économie solidaire, ce forum de la démocratie participative était l’occasion de dresser un bilan de ce qui se fait à Montréal et d’explorer les bonnes pratiques à l’international. Durant deux journées, des acteurs majeurs de la participation publique à Montréal ont pu confronter leur point de vue et leurs expériences avec des chercheurs et praticiens venus de Paris, Amsterdam, Madrid, Barcelone et Berlin.

Trois grands thèmes ont été abordés : le modèle montréalais, les outils de la participation publique et les initiatives citoyennes. Ce compte rendu n’a pas la prétention d’être exhaustif, il présente des faits et des interventions marquantes de cet événement.

« Si la démocratie représentative semble en crise, la démocratie directe au niveau local et régional est présentement en plein essor. Un ensemble de mécanismes permettent aux citoyens de participer aux décisions politiques et aux devenir de leur ville. Que l’on parle de co-construction, de participation en ligne ou encore de budget participatif, les outils sont nombreux et de plus en plus populaires dans les villes à travers le monde. Un des grands défis est de s’assurer que ces mécanismes participatifs contribuent véritablement au renforcement du pouvoir d’influence citoyen. » (IPAM, 2018)

Le modèle montréalais

 

OCPM, 2018

Le premier panel a été consacré à la situation Montréalaise en matière de participation publique. Les personnes présentes ont pu entendre les témoignages de Dominique Ollivier (Directrice de l’Office de consultation publique de Montréal), de Johanne Savard (Ombudsman), Pierre Hamel (Professeur en sociologie à l’Université de Montréal), d’Yves Bellavance (Coordonnateur de la Coalition des tables de quartier de Montréal) et d’Amanda Flety (Cité et gouvernements locaux unis).

Après 16 ans d’existence, plus de 170 exercices de participation citoyenne, l’OCPM cherche à bonifier sa méthodologie, élargir ses moments de consultation (en amont et en aval), à démocratiser la participation citoyenne en opérant  une participation sans exclusion et en multipliant les outils de participation.

Dominique Ollivier a mis l’accent sur l’importance de la rétroaction durant les processus de consultation :

« Il faut absolument qu’on dise aux citoyens ce qu’on a fait de leurs opinions si on ne veut pas que le cynisme s’installe ».

Les ateliers de co-design, les jeux de rôle permettent ainsi à l’OCPM de faire baisser les tensions, dépolariser le débat, mieux projeter le public dans l’avenir. Les enjeux de la participation en ligne ont aussi été mis de l’avant, celle-ci permet notamment de favoriser la diffusion et de catalyser la participation, via notamment des séances électroniques et des questionnaires en ligne pour accroître l’intérêt des citoyens.

Nous retiendrons également les interventions de Johanne Savard portant sur l’approche d’Ombudsman en lien avec les populations sous-représentées dans les processus de consultation publique. Selon elle, il faut amener la ville à reconsidérer certaines approches ou décisions.

Il est important de se rappeler qu’à ce jour, Ombudsman  est une instance apolitique et constitue le seul recours possible pour assurer le respect de la Charte montréalaise des droits et responsabilités.

Pour Yves Bellavance, coordinateur de la coalition montréalaise des tables de quartier de Montréal, les citoyens sont les acteurs du changement, parties prenantes dans la détermination de leurs priorités. Les tables de quartier animent ainsi  la concertation entre les acteurs du quartier afin de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie et du cadre de vie des communautés, en plus de favoriser la participation citoyenne.

Elles ont aussi pour objectif d’accompagner les citoyens dans leurs demandes et l’élaboration de ces demandes présentées auprès des instances de consultation.

Les outils de la participation publique

 

Le deuxième panel de ce forum était l’occasion de mettre l’accent sur les outils de la participation publique à l’international. Les panelistes montréalai.se.s Véronique Fournier (Directrice générale du Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM) et Gabrielle Immarigeon (Chargée de projet chez Convercité) ont pu confronter leurs pratiques en matière de budget participatif et de codesign à celles d’acteurs internationaux : Jurgen Hoogendoorn (Conseiller politique – Ville d’Amsterdam), Sarah Legouy (Service de la participation citoyenne de la ville de Paris) et Maxime Sauvetre (Chargé de développement chez Cap-Collectif).

Le budget participatif a connu une évolution depuis plus de 20 ans à Montréal. Pour Véronique Fournier, il se rapporte à l’ensemble des échelles de la participation, c’est donc un processus démocratique décisionnel où les citoyens décident de la façon dont une partie du budget public est dépensée. Le budget participatif se veut être un outil informationnel et décisionnel.

Sans grande surprise, la Ville de Paris fait preuve d’une certaine avancée en termes de budget participatif. À ce titre, la présentation éclairante de Sarah Legouy nous a permis de comprendre que le budget participatif de Paris est un

mécanisme récurrent et flexible, qui doit s’adapter aux évolutions de la population et aux attentes citoyennes. Nous retiendrons de son intervention certains enjeux inhérents au budget participatif :

Codesign et budget participatif de la Ville de Paris, Station Claude Decaen,. Crédit photo : Ceinturama

  • Il implique un changement en termes de processus et de temporalité, mais aussi un changement dans l’écosystème de la ville via l’implication des citoyens.
  • Il valorise une échelle plus petite mais plus transversale entre les différents services de la ville. Un budget participatif ne pourrait exister sans un véritable portage de haut niveau (financier et politique)

Nous retenons ainsi les apprentissages mis de l’avant par Gabrielle Immarigeon de Convercité en ce qui concerne la consultation physique et numérique et l’importance de combiner ces deux types de participation pour assurer une bonne consultation.

Dans la même veine, l’expérience internationale de Maxime Sauvêtre, en lien avec la participation numérique, nous a permis d’en apprendre davantage sur les composantes et les avantages de ce type de participation. Les plateformes numériques permettraient de renouer avec une plus grande diversité de publics, en décidant autrement, et en articulant différemment les dispositifs traditionnels de participation déjà existants. Selon Maxime Sauvêtre :

« La participation citoyenne n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’élaborer de meilleures politiques publiques, afin de mieux répondre aux besoins de la population. »

Ce deuxième panel a débuté avec l’intervention de Jurgen Hoogendoorn de la ville d’Amsterdam. Nous faisons le choix de mettre de l’avant son témoignage portant sur l’importance d’ancrer les pratiques de la ville d’Amsterdam. Au-delà des outils mis en place par la ville pour favoriser la participation citoyenne il est fondamental de mettre de l’avant la position d’Amsterdam et l’écosystème très particulier dans lequel sa population évolue. Avec plus de 5000 employés qui composent le département de planification et de développement de la ville et un Wikicity sur la planification ouverte et l’intelligence collective, la ville d’Amsterdam a fait de la participation citoyenne et de l’expérimentation un enjeu incontournable : « A wicked problem who needs prototyping with the communities »

Les initiatives citoyennes

 

Assemblée de ruelle, Crédit photo : Solon Collectif

Le dernier panel de ce forum portait sur les initiatives citoyennes à Montréal avec les témoignages de Karine Triollet (Coordonnatrice à la table de concertation Action gardien), Ron Rayside (Représentant de la Communauté Saint-Urbain) et Bertrand Fousse (Co-fondateur de Solon-collectif) pour se terminer par l’intervention de Dilan Erkisi et son témoignage sur l’ancien aéroport de Berlin Tempelhofer Feld.

De ce panel, nous retenons 1) Qu’il est important de jumeler les pratiques autonomes de consultation et les initiatives citoyennes avec différents processus de concertation des acteurs de la communauté et les processus officiels de consultation. 2) Qu’il est fondamental de reconnaître et soutenir des initiatives locales sur des durées importantes, en supportant les stratégies de réappropriation dans les quartiers et en mettant en place des processus de participation sur le long terme. Et 3) que Montréal doit remettre en question le rôle des pouvoirs publics, des promoteurs et des citoyens dans la réflexion sur nos quartiers et leurs enjeux d’aménagement urbain.

Ainsi, pour Montréal et Berlin, la notion de commun et de collectif est fondamentale. Celle-ci permet d’envisager des usages plus ouverts et écologiques dans nos milieux de vie. Face à cet enjeu, Bertrand Fousse a mis de l’avant que le support de l’arrondissement et des acteurs locaux était nécessaire.

Clôture

 

Ces deux journées se sont clôturées par une mise en commun et un échange entre l’IPAM, le public présent, les panélistes invités et Laurence Lavigne Lalonde, conseillère municipale et Membre du comité exécutif de la Ville de Montréal – Transparence, démocratie, Espace pour la vie. Ce fut, pour le public, l’occasion de soulever un certain nombre de questionnements et de souhaits pour Montréal. Pour les panélistes ce fut l’occasion de mettre de l’avant certains apprentissages à l’issu de ce forum.

Ce que nous retenons par-dessus tout de ce panel de clôture fut l’intervention de Madame Lavigne Lalonde qui a exprimé la volonté de la Ville de Montréal de restructurer ses processus de participation publique et les mécanismes existants en s’inspirant des meilleures pratiques nationales et internationales. Cette restructuration passe par des solutions qui prennent en considération différents enjeux et temporalités :

À Court terme :

  • Favoriser la rétroaction envers les citoyens qui participant aux consultations,
  • Permettre des consultations qui se font en continue sur des projets et dans une temporalité plus longue.

À Moyen terme :

  • La Loi 122 et les autres formes de consultations à la ville doivent devenir un véritable standard et un gage de qualité. Ces cadres légaux et les réflexions à venir permettront d’établir un cadre qui guidera les futurs consultations lors de la refonte de la politique.

À Long terme :

  • L’acquisition stratégique de terrains à Montréal, en prenant exemple sur ce qui se fait ailleurs à l’échelle nationale et internationale