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Crédit photo : Valérie Vincent

Compte rendu – La ville durable à l’épreuve des pratiques

Dans le cadre du 84e Congrès de l’ACFAS
Mercredi 11 et jeudi 12 mai 2016
Université du Québec à Montréal
Ce colloque a été organisé par Richard Morin et Florence Paulhiac-Scherrer (UQAM)

Auteur : Eudes Henno, étudiant à la maîtrise en études urbaines, UQAM

 

 

 

 

Introduction

Crédit photo : Maude Cournoyer-Gendron

Crédit photo : Maude Cournoyer-Gendron

Le principe du développement urbain durable, qui constitue l’extension et l’application du concept de développement durable aux champs de la planification et de la gestion urbaines, est devenu un impératif des politiques publiques et un cadre de référence de l’action publique urbaine. Le développement urbain durable constitue une prescription qui renvoie, en principe, à l’intégration des dimensions économiques, environnementales et sociales dans le développement des villes (triptyque du développement durable). Ce colloque organisé à l’initiative de Richard Morin (directeur du Centre de recherche sur la ville, antenne UQAM du Réseau Villes Régions Monde) et Florence Paulhiac Scherrer (titulaire de la Chaire In.SITU, UQAM) visait à faire le point sur la mise en pratique de la ville durable. Les stratégies de développement urbain durable mises en place sont-elles efficaces dans les faits ? Comment saisir et mesurer les effets de ces stratégies ? Outre la dimension environnementale, est-ce que la ville durable intègre les autres dimensions du développement durable, les dimensions économique, sociale et même culturelle ?

Le colloque s’est déroulé sur deux jours et a rassemblé plus d’une trentaine de personnes dont 24 intervenants, lors de 22 présentations, regroupées en six ateliers thématiques portant sur différents sujets reliés à la définition, à la mise en œuvre, à la mesure, ou à l’évaluation d’éléments participant ou non à l’émergence d’un développement urbain durable.

Grande conférence : Construire la ville durable : les enjeux et les défis de la gouvernance urbaine par Louis Guay

Crédit photo : Valérie Vincent

Crédit photo : Valérie Vincent

Pour comprendre et analyser la mise en œuvre de la ville durable, il est important de saisir les fondements théoriques à la base de l’étude de la ville et des processus qui amènent à sa construction et à son évolution. Dans la conférence d’ouverture de ces deux jours de colloque, Louis Guay a présenté une série de clés conceptuelles pour comprendre, saisir, analyser et penser la ville durable. Louis Guay est revenu sur les grandes théories de la conception de la ville et ses rapports à l’espace et à l’environnement (École de Chicago, École de Los Angeles, l’écologie politique urbaine, les assemblages urbains, la ville construite, etc.). Ensuite, il a donné les clés conceptuelles permettant de comprendre le processus de la mise en place d’une politique publique du développement urbain durable à l’échelle de la ville (système de gouvernance scalaire, participation citoyenne, acteurs urbains, effets des politiques et des décisions).

La deuxième partie de l’exposé portait sur l’évolution de la ville et de ses enjeux, de la ville industrielle à la ville post-industrielle. Les bases de l’urbanisme moderne et de ses outils ont été créées suite aux enjeux et problématiques de pollution et de salubrité apportés par le développement de la ville industrielle. Les outils de planification et de gestion d’aujourd’hui en sont les héritiers. Seulement, la ville post-industrielle n’a pas réglé tous les problèmes de la ville industrielle et fait face à de nombreuses problématiques (pollution de l’air, changement climatique, étalement urbain, etc.). Ces problématiques globales dépassent l’échelle de la ville, mais les villes et les pouvoirs locaux sont vus par des organismes internationaux comme une échelle appropriée pour mettre en place des mesures visant la construction d’un développement urbain durable.

Atelier 1 : Méthodes d’évaluation du développement urbain durable

Crédit photo : Maude Cournoyer-Gendron

Crédit photo : Maude Cournoyer-Gendron

Ce premier atelier thématique a porté sur le développement de méthodes permettant de saisir, de comprendre, de décrire et d’évaluer les composantes de durabilité des territoires. La création de méthodes reproductibles d’acquisition de données relatives aux différentes composantes du développement urbain durable et permettant de caractériser les milieux est un pan important du champ d’étude de la ville durable. Ces méthodes de développement de connaissances, véritables outils d’aide à la décision, sont utiles tout autant lors des périodes de réflexion préalable à l’action, pour diagnostiquer les interventions à mener et les stratégies à mettre en place, mais également a postériori de l’action lors de l’évaluation des effets des politiques de durabilité. Juste Rajaonson a parlé des méthodes d’évaluation des performances en développement durable des villes à travers une étude de cas qu’il a menée sur 25 villes québécoises. Il existe de nombreux classements des villes en fonction de leur performance en terme de développement durable. À chaque classement correspond une méthode spécifique. Les différentes approches de mesures donnent des résultats différents, ce qui, selon certains, est dû à l’existence d’un biais méthodologique.

Juste Rajaonson, dans son travail, remet en question le biais méthodologique et vise à démontrer, en adaptant la théorie du cycle de vie de l’innovation, qu’à mesure que les méthodes d’évaluation sont utilisées, elles vont tendre à afficher des résultats de plus en plus similaires avec moins de disparités. En analysant les choix des indicateurs, la fiabilité de données et les méthodes de calculs de différentes méthodes d’évaluation, il va montrer que l’écart entre le type, le choix des indicateurs et leur nombre s’est réduit à partir des années 2000 au fur et à mesure que la fiabilité des données utilisées augmentait. En créant une table de fréquence des rangs obtenus par 25 villes québécoises avec différentes méthodes d’évaluation, il a montré que ces différentes méthodes partagent des résultats relativement similaires. Juste Rajaonson conclut qu’il ne faut pas se concentrer sur ce débat méthodologique, mais plutôt sur les autres facteurs pouvant expliquer les différences dans les différentes méthodes d’évaluation des performances en développement durable des villes.

Les deux autres présentations de cet atelier ont traité de méthodes de caractérisation des territoires ou des contextes sociaux spatiaux de la ville préalables à la définition de l’action publique.

Mathieu Carrier dans la deuxième présentation de cet atelier a parlé d’équité environnementale et nous a présenté un travail de recherche qui visait à la création d’un indice d’équité environnementale dans le but d’évaluer les effets des différences sociales et économiques dans la répartition des nuisances et de l’accès aux ressources. L’indice d’équité environnementale proposé par Mathieu Carrier prend en considération sept éléments de l’environnement urbain, dont des nuisances (concentration NO2, proximité autoroute et grands axes de circulation) et des ressources (accès à des parcs et des épiceries, couverture végétale) au niveau de l’ilot urbain. L’utilisation de cet indicateur dans une étude de cas de la situation sur l’île de Montréal montre que les personnes à faibles revenus et dans une moindre mesure les minorités visibles sont plus susceptibles de se localiser dans les ilots urbains à proximité des axes majeurs de circulation, avec une concentration de NO2 plus importante, avec moins de végétation et une température plus importante durant la période estivale. Mais, c’est la densité résidentielle et du réseau routier de ces milieux qui explique la moindre présence de végétation et la plus forte minéralisation causant des ilots de chaleurs. Par contre, cette densité serait favorable à l’accès à des ressources locales comme les épiceries.

Sonia Chardonnel a présenté une méthode reproductible de caractérisation des polarités périphériques d’une aire métropolitaine en prenant en compte non seulement les déplacements pour le motif domicile-travail, mais également les déplacements pour des motifs de loisir et d’achat. Il s’agit d’un autre type de lecture des polarités qui tient compte des pratiques quotidiennes de la population en considérant différents motifs de déplacements et une méthode prenant en compte à la fois des données de stock et des données de flux. L’objectif est de montrer comment les périphéries des aires métropolitaines peuvent se structurer avec des polarités intermédiaires en sortant des schémas classiques des territoires périurbains dortoir et de la ville centre polarisant les emplois. La prise en compte de ces différents types de motifs de déplacement permet de faire émerger différents types de polarité classés dans une typologie (pôle principal qui attire pour tous les motifs, pôle spécialisé achat, pôle spécialisé loisir et pôle secondaire moins spécialisé). Les enjeux de développement durable imposent une réflexion sur les espaces périurbains d’autant plus que ce sont ces espaces qui ont connu la plus forte croissance démographique ces vingt dernières années. Cette typologie de pôle et la méthode reproductible pour l’appliquer constituent un outil d’aide à la décision important pour un certain nombre de politiques publiques territorialisées (soutien au développement économique et commercial, etc.).

Atelier 2 : Petites et moyennes municipalités et développement durable

Joliette3 Comme l’a fait ressortir Richard Morin dans la discussion de synthèse du colloque, le deuxième atelier thématique a porté sur les capacités de réaction des petites et moyennes municipalités face au changement et à leurs capacités d’élaborer une vision d’avenir. Les trois contextes présentés dans cet atelier sont marqués par un changement important qui d’une manière ou d’une autre est venu questionner le rapport de ces institutions au développement durable.

Geneviève Brisson lors de la première communication a présenté le cas de l’implantation d’une nouvelle forme extractive dans la municipalité minière dévitalisée économiquement de Malartic. L’installation de cette nouvelle mine du fait de sa caractéristique de mine à ciel ouvert impliquait une forte recomposition du territoire de la municipalité et des milieux de vie de ses habitants. Suite à la présentation par la compagnie minière de son projet comme d’une mine « nouvelle génération », Geneviève Brisson s’est interrogée sur la prise en compte de principes de développement durable dans la mise en œuvre de ce projet. L’émergence de fortes nuisances environnementales issues de l’exploitation d’une mine à ciel ouvert à proximité d’un milieu résidentiel, a causé de nombreux clivages, devenus conflits sociaux, entre les personnes favorables à la mine pour le développement économique qu’elle apporte et celles remettant en causes les nuisances de l’exploitation minière. Geneviève Brisson a montré que le bilan du projet est assez négatif en terme de développement durable. La municipalité n’ayant que peu de marge de manœuvre face à la compagnie minière et souhaitant le développement économique de son territoire a fait montre de peu de soucis en matière d’environnement et de santé publique, manquant ainsi de vision d’avenir.

Jean Louis Tedone a ensuite parlé de l’adaptation des territoires aux changements climatiques au Québec. La pratique aménagiste devrait être, selon lui, un vecteur important de l’adaptation aux changements climatiques, l’adaptation aux changements climatiques et l’aménagement du territoire ayant des éléments communs importants (aspect prospectif, contraintes naturelles et économiques, mesures de protection, rôle stratégique). Jean Louis Tedone a montré les incohérences qui existaient dans le programme « climat municipalités » du Plan d’action 2006-2012 provincial sur les changements climatiques et qui ont mené à ce qu’aucune municipalité de moins de 100 000 habitants ne soit parvenue à adopter un plan d’adaptation aux changements climatiques. Ce programme soumettait l’adoption d’un plan d’adaptation aux changements climatiques à la réalisation préalable d’un inventaire des émissions de gaz à effet de serre (GES) de son territoire ainsi qu’à l’adoption d’un plan d’atténuation des GES. Jean Louis Tedone estime que face aux changements climatiques l’adaptation est aussi indispensable que l’atténuation et ne devrait pas faire l’objet d’une telle logique étapiste. Les petites et moyennes municipalités n’ayant pas les mêmes ressources que les grandes villes sont ainsi plus vulnérables aux changements climatiques. Jean Louis Tedone note ainsi le grand décalage entre la volonté sur le papier du gouvernement du Québec d’inciter les municipalités à s’adapter aux changements climatiques et la réalité sur le terrain. Selon lui, les municipalités du Québec n’ont pas encore engagé la transition d’aménagement que les changements climatiques imposent.

Nico Muamba Shambouy dans la dernière présentation de cet atelier s’est intéressé aux pratiques de développement durable dans les municipalités de taille moyenne en Afrique de l’Ouest en présentant une étude de cas de la municipalité de Klouékanmè au Bénin. Les municipalités au Bénin ont fait face à de forts changements institutionnels. L’État béninois, ayant lancé un processus de décentralisation, a transféré de nombreuses compétences aux paliers de gouvernements locaux. Parmi ces compétences, celle du développement local a été confiée aux municipalités sans être accompagnée d’un transfert de ressources suffisantes. Nico Muamba Shambouy a montré comment, bien que le développement urbain durable ne soit pas une priorité, le manque de ressources au niveau municipal et le recours à des programmes de financement de bailleurs de fonds internationaux sont venus teinter le discours autour de l’action publique municipale en matière de développement local vers une certaine prise en compte des dimensions environnementale et sociale du développement durable. Ainsi, le développement durable a été intégré dans le discours politique et administratif au Bénin que ce soit au niveau national ou municipal. Cependant, sur le terrain, la mise en œuvre effective du développement durable n’est pas encore vraiment d’actualité.

Comme l’a souligné Richard Morin, ces trois présentations ont porté sur les difficultés que peuvent rencontrer les petites et moyennes municipalités à se doter d’une vision d’avenir cohérente avec les principes de développement durable affichés lorsque ces municipalités font face à de nombreuses contraintes et à un manque de ressource important pour y répondre.

Atelier 3 : Planification du transport et développement urbain durable

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L’ensemble des présentations de cet atelier a porté sur la coordination des politiques d’urbanisme et de transport. Les quatre présentations ont présenté des initiatives visant à favoriser l’agencement des systèmes de transports avec l’aménagement urbain. Le concept de l’aménagement axé sur le transport en commun (AATC ou T.O.D. pour Transit Oriented Development) constitue la forme d’aménagement la plus discutée et mobilisée dans l’action publique en Amérique du Nord concernant l’application de principes de coordination urbanisme- transport. Les quatre présentations de cet atelier ont fait la part belle à ce concept proposant de le (re)définir, d’en expliquer les différentes dimensions et de le questionner autant du point de vue des principes qui le sous-tendent, de ses effets sur le territoire, que des défis relatifs à sa mise en œuvre effective.

Dans la première présentation, Fanny Tremblay-Racicot a présenté une étude comparée des cas de la coordination des politiques de transport et d’aménagement dans deux aires métropolitaines aux caractéristiques géographiques similaires, mais à la structure de gouvernance très différentes : Toronto et Chicago. Son analyse des réformes institutionnelles en matière de planification mises en œuvre dans ces deux métropoles révèle des approches très différentes. Là où dans le cas de Toronto l’ approche de gouvernance a été très réglementaire, dans le cas de Chicago l’analyse met en lumière une approche de gouvernance plutôt collaborative. La présentation s’est terminée sur une note critique : bien que l’approche de gouvernance ait été différente, la mise en place de ce qui dans les deux cas s’apparentait à des zones d’AATC a mené, selon Fanny Tremblay-Racicot, à la poursuite de l’étalement urbain, ou même à son intensification, et ce en contradiction avec les objectifs de planification affichés.

Les trois autres présentations ont porté sur la région métropolitaine de Montréal et la mise en place d’aires d’aménagement axé sur le transport en commun (AATC) prescrite par le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), sous l’appellation T.O.D. (pour Transit Oriented Development).

Florence Paulhiac Scherrer dans sa présentation a retracé l’origine des modèles d’aménagement d’aires de développement axé sur le transport en commun, fondés sur la notion de T.O.D., qu’elle considère comme le bras opérationnel des stratégies de développement urbain durable issues des mouvements du nouvel urbanisme et de la croissance intelligente. Les aménagements de type T.O.D. constituent un outil d’action, essentiellement normatif à l’origine, qui permettrait d’atteindre différents objectifs à différentes échelles (réduction de la dépendance automobile à l’échelle métropolitaine et réponse à des besoins d’aménité à l’échelle locale par exemple). Le modèle urbanistique des T.O.D. définit tant les ingrédients propices à l’aménagement de milieux de vie complets, denses et conviviaux, que ceux relatifs aux formes urbaines à privilégier, tout en définissant a priori un certain nombre d’effets attendus, mais aussi de contraintes et de risques relatifs à sa mise en place. Cependant, selon Florence Paulhiac Scherrer, le modèle dit peu des modalités d’action et des besoins de concertation et de négociation que cette opérationnalisation nécessite. Elle pose ensuite la question de la mesure effective des effets de ces formes d’aménagement sur le territoire. Selon elle, les T.O.D. auraient des effets mitigés relevant aussi que certains effets réels sont contraires aux objectifs affichés par le modèle (desserrement des activités et allongements des distances, intensification des disparités sociales dans l’accès au logement et au transport, effet sur la réduction de la dépendance automobile difficile à mesurer). Malgré le caractère normatif du modèle, les T.O.D. constitueraient essentiellement une construction territorialisée de l’action collective urbaine et une adaptation locale de principes et d’objectifs métropolitains en fonction des enjeux et des ressources en présence. Ainsi le contexte local jouerait un rôle décisif dans les objectifs et les contenus des projets finaux.

Maude Cournoyer s’est intéressée, dans la recherche qu’elle a présentée à l’effet de la mise en place des projets urbains de type AATC, au rôle des élus locaux. Elle a montré que le concept de l’AATC ou du T.O.D. avait pris une importance croissante dans les planifications métropolitaines de la CMM depuis l’adoption du PMAD. Les T.O.D. ont été réappropriés par certains maires qui ont vu en cet outil un moyen de reprendre le contrôle sur le développement de leur territoire qui leur apportait une légitimité face aux promoteurs, au public ou à des institutions qui ont un pouvoir sur l’aménagement des villes comme la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). Bien que contraignant et imposé par le niveau de gouvernance métropolitain, le T.O.D., dans le contexte montréalais, semble être tributaire des différents contextes locaux dans lesquels il prend place et faire preuve d’une flexibilité importante permettant d’adapter les objectifs métropolitains aux contraintes, besoins et volontés au palier local. Le discours relatif aux T.O.D. s’appuie sur la remise en cause de la croissance du développement urbain, mais, au final, il apparait souvent comme favorisant et soutenant le développement porté par les promoteurs et les élites politiques locales.

Olivier Roy-Baillargeon, dans une présentation très critique à l’égard de la mise en œuvre du concept de T.O.D. dans la périphérie de la CMM, a avancé que, bien qu’étant un outil très réglementaire et imposé par l’échelon de gouvernance métropolitaine, le T.O.D. demeurait dans les faits une notion très malléable et extensible soumise à la volonté des élus locaux. En prenant l’exemple de plusieurs municipalités de la deuxième couronne de Montréal, Olivier Roy-Baillargeon a montré comment les élus locaux pouvaient détourner le concept de T.O.D. pour poursuivre le mode de développement de la suburbanisation éparse et permettre même parfois de dézoner des terres agricoles sous couvert de la création d’un T.O.D. et de ses principes de développement durable. Les quatre présentations de cet atelier ont toutes remis en question à des degrés divers l’efficacité ou la portée opérationnelle du concept de T.O.D. dans l’atteinte de ses objectifs de réduction de dépendance automobile et de favorisation de la compacité des formes urbaines qui découlerait de son application.

Les quatre intervenants ont notamment relevé la présence d’effets induits parfois contraires aux objectifs originels préconisés par le modèle. Cet atelier pose ainsi beaucoup de questions sur les conditions et les modalités de la mise en œuvre de T.O.D. pour d’atteindre les objectifs affichés d’une meilleure coordination urbanisme et transport.

Atelier 4 : Transport alternatif et ville durable

Crédit photo : Eudes Henno

Crédit photo : Eudes Henno

Les trois présentations de cet atelier traitent de modes de transports alternatifs à l’automobile complémentaires dont les enjeux se font écho. La première présentation vise à définir un moyen de mesurer la compétitivité des modes alternatifs face à l’automobile alors que les deux présentations suivantes proposent une critique des politiques publiques urbaines actuelles de la marche et du vélo.

Pour débuter cet atelier, Ugo Lachapelle a présenté les résultats d’une enquête de mobilité menée auprès de la communauté uqamienne (étudiants et employés) visant à mieux connaître leurs habitudes de déplacements vers l’université. Il explique notamment une méthode d’identification de seuils de distance pour lesquels les modes de transports alternatifs sont plus compétitifs que les déplacements en automobile. Ces calculs sont fondés sur l’utilisation de données de déplacement permettant de comparer l’efficacité des différents modes. Ces données portent sur les temps de déplacement de personnes utilisant différents modes de transport pour se rendre à l’université au cours de l’année sur le même trajet type. Dans un contexte où les villes ont tendance à se donner des objectifs de réduction de la part modale de l’automobile et où l’ensemble des modes de transports sont en compétition face aux choix rationnels d’usages des individus, il apparait important d’avoir une meilleure connaissance des seuils en-deçà ou en-dessus desquels tels ou tels modes est plus compétitif qu’un autre et a donc plus de chance d’être choisi par les individus pour effectuer leurs déplacements. La connaissance de ces seuils permet de définir des circonstances dans lesquelles certaines politiques de transport durable sont susceptibles de fonctionner ou non, ce qui pourrait constituer un outil d’aide à la décision fort utile.

Marc Delesclefs et Kevin Manaugh, dans la deuxième présentation, ont abordé les questions de justice sociale du transport sous l’angle de l’équité d’accès aux infrastructures cyclables. Les populations plus défavorisées ont tendance à utiliser les modes de transports actifs par nécessité, qu’il y ait présence ou non d’infrastructures adaptées. Alors que le cyclisme est encore vu par beaucoup en Amérique du Nord comme une pratique de loisir, ce qui se reflète dans la forme et la localisation des infrastructures existantes, les chercheurs évaluent dans quelle mesure des inégalités de distribution des avantages fournis par la présence d’infrastructures cyclables à Montréal existent au regard des caractéristiques sociales des quartiers. Selon des indicateurs de désavantage social (revenus et accès aux services essentiels) et des données quant aux caractéristiques de la voirie (présence et type d’infrastructure cyclable, caractéristique du trafic automobile), il apparaît que la répartition des infrastructures cyclables n’est pas égale entre les quartiers à Montréal. Ainsi, les personnes habitant dans des quartiers dont les populations sont socialement favorisées sont capables d’atteindre des destinations quotidiennes en empruntant une plus grande proportion d’infrastructure cyclable que les personnes vivant dans des quartiers où les populations sont plus défavorisées. La proportion de pistes cyclables en site propre est également plus élevée dans les quartiers où les populations sont plus favorisées. En conclusion, non seulement les populations les plus favorisées ont plus de choix de transport à leur disposition, mais elles ont également un meilleur accès aux infrastructures cyclables utilitaires que les populations défavorisées qui ont par conséquent des choix de transport limités et pour qui l’accès à des itinéraires confortables importerait beaucoup. Les chercheurs proposent alors une réflexion sur le but recherché lors de l’implantation de pistes cyclables. Ajouter une piste cyclable récréative autour d’un parc dans un quartier défavorisé socialement n’aidera en rien ces populations qui ont de grands besoins non comblés en matière de transport utilitaire.

Crédit photo : Nicolas U

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Marie-Soleil Cloutier, dans la troisième présentation de cet atelier, a proposé une vision critique des politiques publiques de planification des transports et en particulier de la marche utilitaire à Montréal. La marche utilitaire par ses propriétés non polluantes, accessible à la plupart, peu coûteuse, fertile au lien social et à la vitalité économique, favorisant l’amélioration de la santé, est un mode de déplacement compatible avec les enjeux du développement durable. Par ailleurs, le plan de transport de la Ville de Montréal, adopté en 2008, fait appel à de nombreux concepts du développement durable. En analysant les différents éléments favorables à la marche utilitaire inscrits dans ce plan, Marie-Soleil Cloutier a montré qu’il existait une forte déconnexion entre les ambitions affichées, les visions stratégiques, la programmation de stratégies et leur mise en œuvre effective sur le territoire. Ainsi, à mi-terme de l’horizon de planification du plan de transport de Montréal, beaucoup d’éléments inscrits n’ont pas été réalisés ou dans des proportions en-deçà de ce qui avait été annoncé. La Charte du piéton promise dans le plan de transport a fait l’objet de procédures de consultation publique, mais aucun document final ne semble avoir été adopté. Des dix guides d’aménagement durable des rues, prévus pour 2012 dans le plan de transport, seul un est disponible aujourd’hui en 2016. De plus, la mise en œuvre de projets de sécurisation des déplacements piétons reste faible par rapport à ce que le plan laissait penser. Marie-Soleil Cloutier a conclu qu’une véritable approche de développement durable basé sur le développement de la marche nécessiterait un fort leadership politique accompagné d’une allocation subséquente de ressources. Inclure le développement de la marche dans les visions stratégiques ne suffit malheureusement pas.

Florence Paulhiac Scherrer a souligné en réaction à cet atelier qu’agir sur l’offre de transport dans le but de concurrencer l’automobile ne suffisait pas. L’enjeu est également de mieux comprendre et prendre en considération l’expérience même du déplacement que font les individus en fonction du contexte (social, territorial etc.). Pour améliorer la compétitivité des transports actifs par exemple face à l’automobile, il faut agir sur les conditions d’accès mais aussi sur les qualités et les différentes dimensions des usages des infrastructures et ne pas seulement penser en termes de kilométrage d’infrastructure disponible. L’expérience quotidienne et la perception individuelles des transports influencent la pratique d’un mode ou d’un autre.

Atelier 5 : Dimensions socioculturelles, résidentielles, et juridiques de la ville durable

vivre-petite-italie-marche Cet atelier a porté sur des thèmes plus inusités dans le champ du développement urbain durable. On parlera dans cet atelier d’accessibilité universelle prise dansune perspective écoféministe, de dynamiques de redéploiement résidentiel, d’encadrement juridique de pratiques d’agriculture urbaine et enfin de la place de la culture au sein du développement durable.

Sylvie Paré, dans la première conférence de cet atelier, a fait part d’une recherche exploratoire sur la prise en compte de l’accessibilité universelle dans les stratégies de développement urbain durable et ses effets sur l’inclusion de toutes les populations. Cette recherche se situe dans l’interstice de l’équité constitué par le croisement des dimensions environnementale et sociale du triptyque du développement durable. L’accessibilité universelle est un concept qui prône la réalisation d’un environnement sans obstacle qui permette l’émergence d’un monde inclusif dans lequel toute la population pourrait vivre en toute liberté, sécurité et autonomie. En prenant une perspective écoféministe, Sylvie Paré s’interroge sur l’équité environnementale et sociale de la production de l’espace urbain. Est-ce que la ville durable vise à produire des espaces inclusifs pour toutes les populations ? Sur la base d’une étude sociologique portant sur le processus de concertation entourant une politique de mobilité durable en France, elle souligne que les inégalités de participation des femmes dans ce type de processus participatif auront un effet sur le contenu des stratégies décidées plus tard. La persistance des inégalités d’accès à la prise de décision politique, mais aussi aux postes d’importance dans la gouvernance économique et la persistance de création d’espaces urbains restreignant un investissement et une appropriation par les femmes, questionnent les modalités de mise en œuvre d’une ville durable pour tous et toutes. Le concept d’accessibilité universelle appliqué à la ville durable serait un bon moyen de répondre aux besoins collectifs de diverses catégories de la population (femmes, enfants, personnes avec un handicap, personnes âgées, etc.) et d’atteindre ainsi l’objectif d’une ville inclusive et équitable. Cette présentation originale dans le champ du développement durable pose ainsi la question de l’inclusivité des processus de production de la ville. Produire la ville par qui et surtout pour qui ?

Priscilla Ananian, dans la deuxième présentation de cet atelier, a présenté le cas du redéploiement de la fonction résidentielle dans le Vieux-Montréal, dans la perspective d’un développement urbain durable. Le plan de mise en valeur et de protection du Vieux-Montréal a pour objectif d’attirer de nouveaux résidents tout en confortant le développement de la destination touristique et la valorisation du patrimoine. Mis en perspective avec le triptyque du développement durable, les objectifs du plan peuvent s’inscrire dans une optique de développement urbain durable en recoupant plusieurs de ses dimensions. La densification résidentielle du quartier basé sur une logique de mixité des fonctions permettrait de réduire la fragmentation spatiale, d’arriver à la création d’un milieu de vie complet et de qualité. Cependant, le développement sous forme de condominiums qui se fait dans le Vieux-Montréal entraine un phénomène de gentrification venant accentuer la déconnexion sociale avec les autres parties de l’arrondissement. La multiplication des dispositifs de contrôle de l’espace, de sécurité et de mise à distance à la fois par les nouveaux résidents, les promoteurs et les commerçants vient poser des entraves à l’accès pour tous au patrimoine et pose des problèmes en termes de qualité de l’espace public. Les comportements de déplacement de ces nouvelles populations, très axés sur l’usage de l’automobile, rentrent en conflit avec la trame ancienne du quartier et sa relative situation d’enclavement. La dynamique d’embourgeoisement et la densification résidentielle en cours pourraient intensifier dans le futur les conflits d’usages dans le quartier. Alors même que le développement de la destination touristique du Vieux-Montréal se base en partie sur l’aspect vivant et complet du quartier, son développement pourrait accentuer les problèmes de cohabitation. En conclusion, Priscilla Ananian avance que le redéploiement de la fonction résidentielle dans les quartiers anciens n’est pas gage de développement urbain durable, et ce surtout lorsque des dynamiques de promotion immobilière importantes sont en jeux.

Benoît Frate a présenté une recherche exploratoire sur l’encadrement juridique des pratiques d’agriculture urbaine au Québec. Cette recherche vise à combler le vide dans ce domaine du droit québécois pour déterminer comment faire en sorte que la réintroduction de cette pratique en milieu urbain cohabite harmonieusement avec les autres usages de l’espace urbain. L’agriculture urbaine, c’est une multitude de pratiques, potager de plain-pied ou de balcon, sur l’espace privé ou public, culture en serre, jardin communautaire, élevage d’animaux et d’insectes, etc. qui rentre en adéquation avec les dimensions environnementale, économique et sociale du développement durable. Toutes ces pratiques soulèvent différents enjeux juridiques par rapport à la définition des pratiques, des usages, du zonage, des normes de construction, de la distribution et de la vente des denrées ainsi produites, de la soumission de l’activité à l’obtention d’un permis ou d’un certificat, de l’occupation du domaine public, des nuisances, de la responsabilité (dans le cas où cette activité ou un de ses produits porte préjudice à autrui), de santé publique ou encore du bien-être des animaux. Comment l’ensemble de ces pratiques sont aujourd’hui réglementées ou comment devraient-elles l’être ? Toutes ces pratiques, par leurs multiples facettes, font appel à différents domaines du droit et rentrent en partie sous le champ d’application de lois diverses (Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, Loi sur les cités et villes, Loi sur les compétences municipales, Code civil du Québec, Loi sur la protection sanitaire des animaux). Il existe cependant un flou réglementaire et très peu de municipalités ont commencé à réglementer en ce domaine. Il existe des exemples de tentative d’innovation réglementaire au Québec, par exemple l’arrondissement de Rosemont-la-Petite-Patrie (élevage de poules, culture dans les saillies de trottoir, location de terrains entre particuliers à des fins d’agriculture urbaine, création d’un nouvel usage dédié « activité agricole maraichère ou horticole », etc.). Ainsi le cadre de la loi sur l’aménagement et l’urbanisme permet, selon Benoît Frate, d’innover dans ce domaine, et ce malgré des besoins de réforme saillants. L’encadrement juridique de l’agriculture urbaine pose d’autres enjeux. Benoît Frateconclut sa présentation en s’interrogeant sur les effets possibles d’une réglementation claire de l’agriculture urbaine, à savoir est-ce que cela encouragerait la pratique ou au contraire la découragerait? Et la mise en place d’une telle réglementation spécifique devrait-elle émaner du législateur municipal ou bien de l’Assemblée nationale ?

Christian Poirier lors de sa présentation a étendu le champ du développement durable, communément accepté par les autres intervenants, à la culture. En nous présentant les fondements théoriques d’une recherche qualitative portant sur le rapport des jeunes à la culture, sur les relations entre les citoyens, les créateurs et les institutions ainsi que sur les impacts élargis de la culture sur les individus, les communautés et le vivre ensemble, Christian Poirier nous a introduit le concept de citoyenneté culturelle. Comme il l’a défini, la citoyenneté culturelle est une appropriation par les individus des moyens adéquats de création, de production, de diffusion, de consommation et de circulation culturelles. Inscrite dans une perspective du bas vers le haut, ancrée dans une pluralité de voie d’appropriation et d’accès aux œuvres et institutions, elle s’insère dans une perspective de démocratie culturelle. Il s’agit d’une perspective qui tient compte des impacts élargis de la participation culturelle que sont la construction identitaire, les opportunités de rencontre, les interactions avec autre que soi, la création d’espaces de dialogue et les effets positifs de la participation culturelle sur les autres activités de la vie quotidienne comme la scolarité, l’emploi et les interactions sociales. On voit ici comment la participation culturelle et la citoyenneté culturelle peuvent s’inscrire dans une perspective de développement durable. Christian Poirier a ensuite fait mention des Agendas 21 locaux de la culture adoptés par l’ensemble des organismes culturels, et notamment le ministère de la Culture du gouvernement du Québec, afin d’ajouter un 4e pilier au développement durable. Cette dimension culturelle du développement durable s’ajouterait donc aux trois autres dimensions économique, sociale et environnementale. On est donc passé d’une politique nationale québécoise de la culture à une politique de la culture des villes et on assiste aujourd’hui au passage à un niveau micro des politiques culturelles avec l’adoption de plans de développement culturel à l’échelle des arrondissements et des quartiers.

Atelier 6 : Conceptions et instruments du développement urbain durable

Crédit photo : Valérie Vincent

Crédit photo : Valérie Vincent

Ce dernier atelier traite de différentes définitions et conceptions du développement urbain durable (DUD) en fonction des instruments de planification, des processus participatifs, des sources d’information sur Internet et de programmes municipaux. La première et la dernière présentation de cet atelier ont abordé ces définitions et conceptions du DUD en lien avec divers outils de planification et programmes de mise en œuvre. La deuxième a porté sur l’impact de la participation citoyenne à l’élaboration d’un schéma d’aménagement et notamment sur son contenu en lien avec le développement durable Enfin, la troisième présentation a analysé les instruments de partage et de diffusion des bonnes pratiques en développement urbain durable accessibles sur Internet aux professionnels de l’urbanisme.

Olivier Riffon, dans la première présentation de cet atelier, s’est attelé à décrire les différents outils de mise en œuvre du développement durable à la disposition des municipalités en mettant l’accent sur les représentations sociales du développement durable que chacun de ces outils véhicule intrinsèquement. Chaque outil, que ce soit les Agendas 21 locaux, l’approche Natural Step ou les instruments de planification territoriale (plan d’urbanisme, schéma d’aménagement et de développement), est empreint de représentations différentes du développement durable. Olivier Riffon a montré qu’il existait une concordance entre le choix des outils fait par les municipalités et les représentations du développement durable que les municipalités utilisent dans leurs communications autour de la mise en œuvre des outils sélectionnés. Il apparait également qu’il existe une forte concordance entre les représentations des différents acteurs impliqués (maires, chargés de projets, direction générale) et les représentations du développement durable utilisées par les municipalités et les outils qu’elles ont choisis. Cependant la non-concordance dans les représentations du développement durable peut expliquer dans certains cas le scepticisme, le découragement ou le désengagement de certains acteurs. En conclusion, le développement durable et ses différentes approches possibles (humaniste, économiciste, environnementaliste, technoscientifique, territoriale, etc.) semblent être une voie intéressante pour répondre aux besoins divers des communautés. Tous les instruments analysés dans cette étude ont le potentiel d’orienter la gestion municipale vers les principes du développement durable. La diversité des outils permet d’adapter les approches et les stratégies au contexte local et à ses représentations.

Lynda Gagnon et Mario Gauthier, dans la deuxième présentation de cet atelier, ont parlé de planification collaborative en partant du cas du renouvellement du Schéma d’aménagement et de développement (SAD) de la Ville de Gatineau. La Ville actuelle de Gatineau est issue d’un processus de fusion de cinq municipalités. Suite à ces fusions municipales, la Ville a noté un certain manque de confiance des citoyens dans cette nouvelle institution. La révision du SAD de Gatineau issu de la combinaison des SAD des cinq anciennes municipalités a été l’occasion de définir une nouvelle vision globale de l’avenir de la nouvelle municipalité et la Ville a vu, dans le processus de participation publique à la définition de ce nouveau plan, un moyen de faire regagner confiance dans l’institution à ses citoyens. La particularité du cas de Gatineau est que l’ouverture à la participation des citoyens s’est faite très tôt dans le projet à l’étape de la page blanche et s’est poursuivie jusqu’à l’adoption du SAD au cours d’un processus de deux ans et demi. Lynda Gagnon a montré dans sa recherche en analysant le processus de participation que l’implication très tôt des citoyens avait réussi à recréer le lien de confiance entre les citoyens et la municipalité. L’appropriation de cet outil par les citoyens a fait émerger une forte adhésion des citoyens qui ont, de fait, de très grandes attentes par rapport aux effets concrets du plan. Lynda Gagnon a montré également que cet outil de planification collaborative avait permis d’influencer grandement les orientations du SAD vers la prise en compte de principes de développement urbain durable par la remise en cause citoyenne des manières de faire classiques de l’aménagement. Ainsi, la résistance au changement provenait plus des élus que des citoyens, le processus de participation publique ayant fait ressortir la forte divergence entre la volonté des citoyens, les attentes des promoteurs et les élus plutôt attachés aux manières de faire ayant eu cours jusqu’alors.

Mathilde Rudolf et Juan Torres, dans la troisième présentation de ce panel, se sont intéressés aux effets de dispositifs des nouvelles technologies sur l’opérationnalisation du développement durable dans la pratique de l’urbanisme. Les outils web visant à faciliter la diffusion des modèles de bonnes pratiques du développement urbain durable ont-ils un véritable effet sur les changements de pratiques ? En s’appuyant sur l’étude d’une trentaine de plates-formes web francophones, ils ont réalisé une typologie des types de plates-formes en fonction de la forme, du contenu disponible et de leur capacité à susciter une approche réflexive auprès des professionnels utilisant ces outils. Il en est ressorti plusieurs constats. Il existe une abondance des plates-formes de ce type, l’enjeu réside alors plus dans la praticabilité des plates-formes. La fiabilité des sources et l’actualisation des données constituent un enjeu important. Au sein d’une même plate-forme, on peut retrouver du contenu à consonance militante comme du contenu plus nuancé, le flou entre les deux peut nuire à la diffusion des bonnes pratiques. Les plates-formes présentent différents types d’informations. Il apparaitrait que c’est l’équilibre entre les informations descriptives, informatives et normatives, en combinaison avec la posture que prend l’individu face à ces informations, qui permettraient à l’utilisateur d’avoir une approche réflexive et critique sur sa propre pratique professionnelle. Cependant, la transition du partage de l’information d’un support papier à un support web a-t-elle changé la donne à ce niveau ? Mathilde Rudolf conclut sa présentation en avançant que ce n’est probablement pas le cas. Richard Morin, dans la dernière communication de cet atelier, est venu questionner la présence des différentes dimensions du développement durable dans le programme Quartiers 21 mis en place sur le territoire de la ville de Montréal. Le programme Quartiers 21 vise à mettre en œuvre la conception du développement durable présente dans les deux plans de développement durable de la Ville de Montréal (2005-2009 et 2010-2015). Ces deux plans reprennent la vision du développement durable du Sommet de Rio et de l’Agenda 21, en mettant l’accent sur le triptyque des dimensions du développement durable, à savoir un « développement économique efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable ».

Richard Morin s’est appliqué à démontrer que les projets soutenus et financés par le programme Quartiers 21 à Montréal sont empreints de la dimension environnementale du développement urbain durable qui domine les autres dimensions. Les dimensions sociale et économique bien qu’évoquées dans les plans de développement durable de la Ville n’ont fait que très peu l’objet de projets concrets. Richard Morin avance que ce serait l’élaboration et la mise en œuvre en « silo » de ce programme, au sein de la Direction de l’environnement et du développement durable de la Ville de Montréal et du Secteur Environnement de la Direction de la santé publique, qui pourraient avoir eu comme effet la prépondérance de cette dimension environnementale. De plus, la plupart des organismes porteurs de projets œuvrant dans le secteur de l’environnement et la présence d’un partenaire important qu’est l’arrondissement aux compétences essentiellement locales et beaucoup centrées sur le domaine public, renforceraient la prise en compte de la seule dimension environnementale du développement durable. Richard Morin conclut que le nouveau programme pilote de la Ville, Quartiers intégrés, qui vise une approche moins en «silo » et plus transversale des services municipaux, devrait mettre davantage à l’épreuve de la pratique une conception du développement urbain durable reposant sur plus d’un pilier, et que c’est à suivre…

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De gauche à droite : Ugo Lachapelle, Richard Morin, Priscilla Ananian, Mario Gauthier et Florence Paulhiac-Scherrer. Crédit photo : Valérie Vincent

Ce colloque a été l’occasion de faire le tour des différents enjeux de la mise en œuvre du développement urbain durable en mettant particulièrement l’accent sur les pratiques du développement durable plutôt que sur le discours. Il en est ressorti qu’il existait une prépondérance de la prise en compte de la dimension environnementale du développement durable dans tous les domaines d’action, mais que les dimensions sociale, économique et même culturelle commencent timidement à être prises en compte.

Richard Morin a conclu le colloque en faisant part de son souhait d’y voir une suite, peut-être dans quelques années, pour prendre plus de recul face à la notion de développement urbain durable. Selon lui, le développement durable a tracé un sillon référentiel dans lequel de nombreux acteurs et chercheurs se sont insérés et bien que cette notion ait été développée dans les années 80, on n’en est pas encore sortie. Elle alimente toujours la communauté universitaire, la sphère politique et la société civile.

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