Compte rendu

Lancement du Livre blanc sur le stationnement par le Conseil régional en environnement de Montréal

07 mars 2023

Par Sophie Lavoie, étudiante à la maîtrise en études urbaines (INRS) et André Philippe St-Arnaud, étudiant à la maîtrise en études urbaines (UQAM)

Un événement organisé par le Conseil régional en environnement de Montréal

Présentation

Afin de proposer des solutions pour une mobilité efficace, équitable et écologique à Montréal, le Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-Mtl) a lancé, le 7 mars 2023, son Livre blanc sur le stationnement. Dans le cadre d’un panel, puis d’une période de questions avec les personnes présentes au lancement, CRE-Mtl a pu énoncer quelques-unes de ses vingt-trois propositions de réforme afin d’améliorer la gestion et l’aménagement du stationnement dans l’agglomération de Montréal.

Il est en fait de plus en plus admis que la dépendance à l’automobile est un grave problème pour nos sociétés sur le plan de la santé publique, de l’économie ainsi que des finances publiques et individuelles. Cet enjeu est par ailleurs abordé de manière grandissante dans les discours politique et médiatique, d’où l’intérêt, selon le CRE-Mtl, de profiter de cette attention publique pour parler du stationnement. En effet, le problème de la dépendance à l’automobile est si vaste et multidimensionnel qu’il peut s’avérer difficile de l’aborder et de proposer des solutions. Le CRE-Mtl estime que parler du stationnement est une bonne façon de trouver des réponses systémiques à l’enjeu de l’accaparement de l’espace et des ressources par l’automobile. L’organisme montréalais soutient que la conjoncture est intéressante pour la publication du Livre blanc, puisque le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 (PUM) fait en ce moment l’objet d’une consultation et son adoption est prévue pour 2024. Par ailleurs, une nouvelle vision stratégique d’aménagement est en ébauche à l’échelle gouvernementale : la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire ─ Mieux habiter et bâtir notre territoire, qui sera concrétisée au printemps 2023.

Pourquoi parler du stationnement?

Actuellement, 27 % de la voirie montréalaise est consacré à l’usage exclusif du stationnement, soit douze fois plus que la voirie consacrée à la circulation des vélos et des autobus. Selon Catherine Morency, professeure titulaire de la chaire Mobilité de Polytechnique Montréal, agir sur le stationnement gratuit a le potentiel de transformer complètement nos milieux de vie, puisque ce dernier représente un frein aux modes de transport écologiques et rentables.

La professeure insiste sur le fait que si les décisionnaires adoptent des mesures plus agressives contre le stationnement, ce sont tous les modes de transport qui s’en trouveront améliorés. Pierre Frisko, directeur général de la Société de développement commercial Jean-Talon Est (SDC Jean-Talon), abonde dans le même sens. Selon lui, Montréal doit s’inspirer davantage du modèle de New York, qui, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, a rapidement aménagé des rues plus conviviales le long des artères commerciales par le retrait des espaces alloués au stationnement. Il n’y a pas de recette miracle pour le directeur de la SDC Jean-Talon. Il faut toutefois que la Ville de Montréal accompagne davantage les propriétaires de commerces en matière de prévisibilité des projets, en leur rappelant que leurs interventions sur l’environnement bâti visent d’abord à améliorer leurs affaires et leur milieu de vie.

Blaise Rémillard, responsable de la mobilité et de l’urbanisme au CRE-Mtl et troisième panéliste de l’évènement, a renchéri en rappelant que dans le contexte des changements climatiques, de l’intensification des épisodes météorologiques extrêmes, de la présence d’îlots de chaleur urbains causée par les sols minéralisés et imperméables, nous devons réfléchir davantage aux moyens et aux outils qui permettront d’améliorer la qualité de vie des citoyens et citoyennes. M. Rémillard relie la question des stationnements gratuits avec la crise du logement actuelle, en insistant sur le fait que la Ville de Montréal pourrait construire des logements sociaux et abordables en tarifiant les stationnements sur rue actuellement gratuits. Il souligne qu’une panoplie d’outils et de mesures pourraient être mis à la disposition des décisionnaires afin de mieux contrôler et encadrer les stationnements, mais qu’il faut d’abord pouvoir compter sur des données fiables et quantifiées concernant ces espaces publics.

Un manque de données et d’information concernant les stationnements

L’enjeu essentiel abordé durant le panel est le manque de disponibilité des données concernant les cases de stationnement, ce qui limite l’action des gouvernements locaux dans leurs objectifs d’encadrer la gestion des stationnements publics dans une perspective de transition écologique.

En ce sens, la contribution du CRE-Mtl a permis de déterminer que le coût annuel des contribuables dans l’entretien des 475 000 cases de stationnement s’élève à 1 275 $.

Il s’agit d’un demi-milliard par année que la Ville de Montréal pourrait aller récupérer pour combler le déficit de la STM ou s’offrir un nouveau REM, par exemple. Ces cases représentent également, selon le CRE-Mtl, une superficie totale équivalant à l’arrondissement de Rosemont–La-Petite-Patrie. Mme Morency a également déploré le fait que, malgré le grand nombre de données quantitatives, objectives et fiables disponibles dans les études concernant les coûts économiques des stationnements sur rue, tout ce que fait présentement la Ville de Montréal va à l’encontre de ces données. Elle invite le public à changer de discours et à cesser de percevoir le retrait de cases de stationnement comme un vol, mais plutôt comme une réappropriation de l’espace public autrefois confisqué. M. Rémillard a conclu en mentionnant qu’un meilleur accès à l’information permettrait de gérer le stationnement de manière intelligente. Il espère que le Livre blanc sur le stationnement et ses propositions permettront aux décisionnaires ainsi qu’à la Ville de Montréal de se doter d’outils innovants afin d’optimiser la gestion des cases de stationnement.

Carboneutralité d’ici 2050 : l’électrification ne doit pas être la seule solution

Le CRE-Mtl a par ailleurs mentionné les objectifs de carboneutralité que Montréal souhaite atteindre d’ici 2050. Selon l’organisme, la Ville mise trop sur l’électrification des transports pour atteindre ces objectifs. Or, le CRE-Mtl n’a aucune donnée ou démonstration qui certifie la fiabilité de cette option dans l’atteinte des résultats. Pour l’organisme, il faut pouvoir intervenir ailleurs en diversifiant les outils et les politiques publiques. Encadrer et mieux réglementer le stationnement font partie des mesures qui pourraient être mises en place rapidement par la Ville de Montréal pour atteindre ces cibles et de nombreux outils sont à la disposition des décideurs et décideuses pour intervenir. En outre, Le CRE-Mtl suggère d’instaurer des listes d’attente pour les stationnements en fonction d’indicateurs de dépendance automobile des ménages, tout en misant sur de nouvelles normes de réglementation reposant sur des principes d’écofiscalité, comme la tarification du stationnement.