Première conférence de la journée par Gregor Robertson.
Photo : Guillaume Lessard

Des participants. Photo : Guillaume Lessard

Présentation de Charlotte Ratelle-Montfils.
Photo : Guillaume Lessard

Des participants.
Photo : Guillaume Lessard

Janette Sadik-Khan lors de sa présentation.
Photo : Guillaume Lessard

Quatrième Rendez-vous des Collectivités viables de Vivre en Ville – Oui dans ma cour!, s’allier pour des milieux de vie de qualité

Un événement pour les acteurs et actrices de changement au Québec

25 avril 2019, Montréal
Par Guillaume Lessard, doctorant en études urbaines, INRS-UCS

Pour la quatrième fois, l’organisme Vivre en Ville a organisé le Rendez-vous des collectivités viables. Comme à chaque année, nous assistons au rassemblement des forces progressistes œuvrant à la transition vers des villes et des territoires plus durables. Cette année encore, le choix des conférenciers et conférencières témoigne d’un réel souci de Vivre en Ville de donner la parole aux différents acteurs qui participent à créer des milieux de vie de qualité. Soulignons au passage la parité homme/femme dans les conférences.

La journée a débuté avec la conférence de Gregor Robertston, maire sortant de la Ville de Vancouver. Maître d’œuvre d’une grande réorientation du secteur du logement entre 2008 et 2018 et d’un engagement plus sérieux de la ville dans l’adaptation aux changements climatiques. M. Robertson a partagé son optimisme de même que les leçons tirées de son expérience en tant que maire de Vancouver. Il termine d’ailleurs son allocution avec un avertissement en regard de la situation actuelle du logement à Montréal où le taux d’inoccupation des unités locatives atteint désormais 1,9 % :

« Don’t take affordable housing for granted in Montreal. Fight for it! Build as much as you can, as fast as you can. Don’t let promoters build only condos, make them build rental before it’s too late! »

Source : Oui dans ma cour! 2019

La conférence de Catherine Boisclair, coordonnatrice du projet Oui dans ma cour! de Vivre en Ville a ensuite été l’occasion de nous en dire plus sur cette initiative. Fait intéressant, avec Oui dans ma cour!, Vivre en Ville s’est investi plus significativement dans le soutien aux petites municipalités en accompagnant des démarches de densification des noyaux villageois par exemple. Sur le site de Oui dans ma cour!, l’organisme offre plusieurs outils dont une grille d’analyse utile pour évaluer la contribution d’un projet à son milieu et la qualité de celui-ci en fonction de son intégration au voisinage.

Une série de courtes conférences a ensuite permis de mettre de l’avant différentes perspectives sur la densification. Alexandre Forgues, président du district Atwater inc. nous a parlé d’un projet immobilier privé qu’il a récemment mené dans ce secteur très prisé de la ville où il a choisi par lui-même de mener une consultation publique sur le projet. Émile Grenon Gilbert, conseiller municipal à la Ville de Mont-Saint-Hilaire nous a ensuite parlé avec humour et légèreté de l’adoption du plan particulier d’urbanisme du centre-ville de sa municipalité. Ce processus ne fut pas de tout repos! M. Grenon Gilbert explique qu’il a notamment dû faire face à une levée de boucliers de la part de citoyens mécontents de voir qu’on laisse moins de place à l’automobile alors même qu’à leur plein potentiel, les places de stationnement du centre-ville ne sont utilisées qu’à 60 %.

Cette section s’est terminée avec la présentation de Sabrina Di Matteo, porte-parole du mouvement Pas de tour dans ma cour à Laval. Nous relatant l’expérience de l’organisme qui s’est opposé à des projets de tour à condo démesurés dans des quartiers de maisons unifamiliales au bord de l’eau, madame Di Matteo en a profité pour faire le portrait d’une administration municipale corrompue (M. Vaillancourt ayant été arrêté en 2013 et reconnu coupable de fraude en 2016)) et d’une planification jusqu’à récemment chaotique, voire inexistante.

L’avant-midi s’est conlu avec la présentation d’une collègue venue de France, Véronique Couzon, directrice du Syndicat de l’Ouest Lyonnais. Faisant face aux mêmes défis que les périphéries des métropoles au Québec, elle nous a fait part des difficultés rencontrées pour faire plus de place au transport actif et collectif dans son secteur où les habitants bien nantis préfèrent utiliser leur voiture pour parcourir les maigres douze kilomètres qui les séparent de la ville-centre. Faisant aussi écho à notre expérience, elle a relaté la pression constante que subissent les terres agricoles et la difficulté pour les travailleurs des petits villages de trouver du logement près de leur emploi, car ces hameaux se gentrifient rapidement.

En début d’après-midi, une brève allocution du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), Benoît Charette, semblait vouloir rassurer les quelques 350 acteurs et actrices de changement réunis dans la salle en affirmant que le gouvernement provincial s’engage à s’adapter aux changements climatiques, à amorcer la transition écologique et à soutenir le transport collectif et actif.

Sara Maxana, directrice de projet du programme de logement abordable et milieux de vie de qualité de la Ville de Seattle a ensuite relancé le bal en relatant comment le mouvement Seattle for everyone a réussi à changer le discours sur le logement abordable dans cette ville. Faisant face à une croissance sans précédent et à un vaste problème d’abordabilité du logement, Seattle a donné à Mme Maxana la difficile mission de changer la face de la croissance et de l’accès au logement abordable. En quelques mots, elle nous résume cette initiative par :

« To change people’s mind about affordable housing, change the narrative! To do that, you have to humanize growth and tell personal stories ».

Ayant réussi à faire adopter à l’échelle de la ville une politique d’inclusion de logement abordable pour tous les projets immobiliers, le cas de Seattle fait écho à la situation actuelle de Montréal où la politique d’inclusion ne devrait désormais plus pouvoir être contournée aussi facilement comme c’était le cas sous la précédente administration.

Par la suite, une série de présentations sous la forme de pechakucha a permis de se familiariser avec des « instantanés » de la densification au Québec. Ce fut le moment pour Charlotte Montfils Ratelle, diplômée de la maîtrise d’études urbaines, urbaniste et fondatrice de l’Arpent, de nous présenter le travail de l’OBNL sur les unités d’habitation accessoires (UHA).

Martin Bécotte, directeur de la Fédération régionale des OSBL-H de la Montérégie et de l’Estrie nous a ensuite rappelé l’importance du logement abordable de même que son sous-financement dans les dernières années, tout en mettant de l’avant quelques projets intéressants auxquels ils ont récemment participé.

Érick Olivier, directeur du service de l’aménagement du territoire et du développement de la MRC de la Nouvelle-Beauce a ensuite été remplacé au pied levé par un membre de l’équipe de Vivre en Ville en raison des inondations dans ce secteur. Cette présentation nous a malgré tout permis de constater qu’il est possible pour les petites municipalités de se redévelopper en respect de leur périmètre d’urbanisation si elles font appel aux principes du développement intercalaire et de la densification.

Stéphane Boyer, conseiller municipal à la Ville de Laval, nous a présenté une consultation publique qu’il a menée avec ses concitoyens sur la requalification du site d’une ancienne épicerie Loblaws. Il en ressort qu’il est difficile d’attirer les familles et les jeunes à ces événements, que les retraités sont surreprésentés et qu’une attitude de pas-dans-ma-cour domine souvent les discussions. La consultation a malgré tout suscité une vive participation et si la décision qui présente le plus d’avantages collectifs n’est peut-être pas celle qui fait le plus l’unanimité au sein des riverains, M. Boyer affirme que :

« Mon rôle n’est pas seulement d’être la voix de la majorité, mais aussi de faire preuve de leadership pour prendre la bonne décision ».

Laurence Vincent du groupe Prével nous a ensuite fait un éloge de la densité et de l’intérêt de celle-ci du point de vue des promoteurs et gestionnaires immobiliers.

Couverture du livre Street Fight – Handbook for an urban revolution

Un mot de la mairesse Valérie Plante a ensuite permis d’introduire la grande conférence de la journée, celle de Janette Sadik-Khan, directrice principale Transports de Bloomberg Associates. Ayant occupé le poste de commissaire au département des transports de New York, elle a été en charge des travaux majeurs qu’a connue la métropole entre 2007 et 2013, sous le maire Bloomberg. Malgré une journée chargée, l’auteure du livre Street Fights rédigé avec l’aide de son associé Seth Solomonow et distribué aux participants lors de l’événement.

En quelques mots, sa présentation se résume en : « Osez, persistez et ayez avec vous des chiffres pour défendre vos idées! »

En effet, on retire de l’expérience de Mme Sadik-Khan que la transition vers le transport collectif et le transport actif soulèvera nécessairement la grogne des automobilistes et le syndrome du pas-dans-ma-cour, principalement chez les commerçants. Au moment de leur mise en œuvre, les changements proposés à New York ont effectivement polarisé la population :

« Taking away someone’s parking is like taking away their firstborn child. They’re gonna hate you and they’re gonna fight you! Be prepared for that, there’s gonna be a ton of outrage everytime ».

Grâce à son approche rigoureuse et à ses idées novatrices, madame Sadik-Khan a su redonner les rues aux citoyens grâce à la fermeture de rues aux automobiles, la réappropriation de stationnements pour en faire des espaces publics et l’aménagement de pistes cyclables et de nombreuses traverses piétonnes.

Pour réussir cet exploit, tout au long de son mandat, elle a dû démontrer chiffres à l’appui que ces mesures avaient une incidence positive tant sur le commerce, avec une augmentation généralisée des ventes dans les secteurs touchés par les interventions, de même que sur la diminution des accidents dans les zones faisant l’objet d’aménagement pour vélos et piétons.

« Cars don’t shop, people do! Data will be your friend. They will see their profit rise. But it will take some time ».