Réseau d’agriculture urbaine de Québec (RAUQ)

Compte rendu

Tisser des liens entre les acteurs de l’agriculture urbaine et le milieu de la recherche : vers des initiatives structurantes

25 novembre 2019, Université Laval

Par Pierre-Paul Audate, étudiant au doctorat en aménagement du territoire et développement régional à l’Université Laval

Événement organisé par le Réseau d’agriculture urbaine de Québec (RAUQ) et le Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD), Université Laval

Présentation

L’évènement tenu le lundi 25 novembre 2019 au pavillon Gene-H. Kruger de l’Université Laval fut l’occasion de démontrer l’intérêt partagé des représentants des milieux de la recherche, de la pratique et communautaire pour l’échange de leurs ressources dans l’optique de contribuer à un changement social. L’objectif de l’événement était de créer des liens plus étroits entre des chercheurs et des pratiquants de l’agriculture urbaine pour faire émerger la recherche-action comme une approche prometteuse dans la quête d’un système alimentaire durable à Québec. Une diversité d’acteurs incluant des fonctionnaires, des chercheurs, des membres d’organismes communautaires, des entrepreneurs et autres citoyens engagés ont répondu favorablement aux invitations lancées par le Réseau d’agriculture urbaine de Québec (RAUQ) et le Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD) pour participer aux échanges. Au programme avaient lieu une conférence présentée par M. Éric Duchemin, professeur à l’UQAM, directeur de l’AU/LAB et du CRÉTAU, et un panel de discussion présenté par cinq autres chercheurs et professionnels issus du milieu universitaire.

Bien que la recherche soit toujours en quête de solutions aux problèmes sociétaux, elle est souvent perçue comme étant isolée de la réalité des personnes qui y sont impliquées. Le chercheur tend souvent à se positionner à l’extérieur ou au-dessus du phénomène qu’il cherche à comprendre (Roy et Prévost, 2013). Cette distance entre le chercheur et son sujet a pendant longtemps créé une dichotomie évidente entre la théorie et la pratique. Mais, depuis quelques années la recherche-action s’est imposée comme étant une approche visant la rupture de ce paradigme. Cette approche repose sur la co-construction des connaissances scientifiques pour comprendre la réalité et changer la société.  Elle invite les chercheurs et autres acteurs de la société à sortir de leur enceinte institutionnelle pour agir sur des problèmes réels. En effet, le potentiel que représente cette approche pour les milieux universitaire et communautaire a en partie servi de prétexte pour organiser l’événement : « Tisser des liens entre les acteurs de l’agriculture urbaine et le milieu de la recherche : vers des initiatives structurantes ».

Éric Duchemin, professeur à l’UQAM et directeur de l’AU/LAB et du CRÉTAU

Lors de sa conférence d’ouverture, M. Éric Duchemin a dressé un portrait de l’agriculture urbaine sur l’Ile de Montréal, où 35-42% de la population affirment pratiquer cette activité de plusieurs façons (ex. : potager en bac, jardin communautaire, jardin collectif, etc). (Ville de Montréal, 2013). Le co-fondateur du CRETAU a mis en évidence l’existence d’activités innovantes qui devraient interpeller la communauté des chercheurs. Par exemple, il a souligné le fait qu’on commence déjà à s’intéresser à la présence des animaux en ville. Les cas les plus communs sont les poules ou l’usage des moutons dans l’aménagement paysager. Selon M. Duchemin, il semble important de commencer à porter un regard sur les enjeux sanitaires et éthiques de ces pratiques. Un angle que peut prendre la recherche aussi serait selon lui d’analyser l’acceptation par les citoyens de ces nouvelles pratiques : est-ce que les citoyens en ville sont prêts à accepter la présence des animaux dans leur environnement ? Il a pris comme exemple le cas d’une étude réalisée en France qui démontre une certaine acceptation pour la présence de moutons dans les parcs.

Le discours du conférencier faisait état de la pénurie de laboratoires de recherche qui étudient l’ensemble des aspects de l’agriculture urbaine (économique, social, environnemental, gouvernance), malgré le développement de fermes commerciales en plein effervescence. Aux yeux du conférencier, il apparait opportun de structurer la gouvernance du système alimentaire.

Après avoir fait état des différents projets de recherche que son équipe développe à Montréal, M. Duchemin a évoqué des avenues de collaboration intéressantes entre le milieu de la recherche et les acteurs de l’agriculture urbaine : le besoin de mise en réseau des différentes initiatives, la documentation des modèles économiques des fermes urbaines et le développement de l’agriculture dans les complexes d’habitation.

 

La collaboration peut aussi aller au-delà de l’agriculture urbaine pour assurer la durabilité du système alimentaire

 

À la suite de la conférence de M. Duchemin, les panelistes André Laperrière (Global Open Data for Agriculture and Nutrition), Geneviève Cloutier (Centre de Recherche en Aménagement et Développement) Alexandre Lebel (Centre de Recherche en Aménagement et Développement), Patrick Mundler (Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT)) et Alain Olivier (Chaire en développement international de l’Université Laval) ont présenté leurs organisations respectives et les différents projets qu’ils mènent en lien avec l’agriculture urbaine. Ces courtes présentations ont suscité des échanges entre les panelistes et les participants, des questionnements couvrant autant des préoccupations techniques que sociétales ont été abordés.

Selon André Laperrière, l’utilisation et le partage des données pour soutenir l’innovation dans le domaine de l’agriculture urbaine se présente comme une opportunité à saisir. Par exemple, comment pourrait-on utiliser les données météorologiques et de marché pour améliorer les pratiques agricoles ?

 

La présentation des projets Manger local Québec et de REPSAQ par Geneviève Cloutier du CRAD a fait état de la démarche de portrait du système alimentaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches réalisée par l’équipe de Manon Boulianne et ses collaborateurs. Le projet de système d’information scolaire sur lequel travaille Alexandre Lebel (Université Laval) ainsi que le chantier d’avenir qui vise à mettre en place un programme de sécurité alimentaire, ont suscité des échanges intéressants sur les liens entre l’environnement alimentaire (ex. : présence de déserts alimentaires) et les comportements en cette matière.

Suite à l’intervention de Patrick Mundler, les participants se sont questionnés sur la notion « d’agriculteur ». Comment définit-on un agriculteur ? Qui sont les agriculteurs urbains ? Est-ce qu’ils se sentent agriculteurs ou jardiniers? Voilà autant de questions qui ont animé les échanges, ces derniers ont mis en lumière les enjeux de la définition du titre d’agriculteur et des droits qui y sont rattachés.

En terminant, la présentation des résultats de recherche d’Alain Olivier a donné lieu à des réflexions sur la nécessité de revoir le modèle agricole. C’est d’ailleurs l’un des défis que les programmes des écoles d’été en justice alimentaire et en agroécologie souhaitent travailler.

 

Conclusion

 

Au fil des discussions, les participants ont exploré les nouvelles formes que peuvent prendre la collaboration entre le milieu de la recherche, le milieu communautaire et celui de l’entrepreneuriat pour ainsi créer une nouvelle dynamique dans le système alimentaire. Ensemble, les participants ont réfléchi aux opportunités et aux formes de collaborations possibles entre les acteurs de l’agriculture urbaine. L’événement a ouvert la voie à de nouveaux projets de recherche-action. Chercheurs, organismes communautaires et entreprises s’allient pour dynamiser le développement de l’agriculture urbaine et du même coup dynamiser les démarches vers un système alimentaire durable à Québec. Le CRAD, le GODAN, le CRDT, la Chaire de recherche en développement international de l’Université Laval ont, à travers leur participation à cet événement, montré que lorsque la théorie s’unit à la pratique le changement social qu’on espère tous n’est peut-être pas une utopie.

Vers une alimentation territorialisée et durable (Manon Boulianne et al., Université Laval). Rapport du projet REPSAQ publié le 31 octobre 2019