Source : Journal Le Soleil, Jean-Marie Villeneuve
Capsule thématique
Le patrimoine religieux
Auteur : Samuel Mathieu* (août 2015)
Présentation
Le concept de patrimoine intègre plusieurs dimensions selon la typologie étudiée (bâti, espaces verts), le mobilier, les savoir-faire, les traditions utilisées (patrimoine immatériel) et le lieu où il s’inscrit (contexte urbain ou rural). Généralement, il réfère aux richesses et à l’héritage transmis par une collectivité. Le rapport qu’une collectivité entretient avec son passé en effectuant des choix de conservation dans le but de transmettre une certaine vision de l’histoire fait également partie de la définition du patrimoine. Constituant une thématique d’actualité, les questions touchant le patrimoine religieux occupent une place de choix dans les études patrimoniales et urbaines.
Bien que ce sujet ne soit pas nouveau, le patrimoine religieux fait l’objet d’un intérêt plus marqué ces dernières années. Les démolitions d’églises dans les années 1960 et 1970 ont d’abord contribué à susciter une préoccupation pour le sort de ces lieux tant chez les riverains, les praticiens que chez les chercheurs. Par la suite, la baisse de la pratique religieuse, particulièrement catholique, ainsi que la désertion des lieux de culte, ont stimulé l’émergence de questionnements liés à la préservation du patrimoine religieux. Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement d’un intérêt porté à la préservation des lieux de culte, mais d’une réflexion à long terme et intégrant des dimensions multiples. Le concept de patrimoine religieux ne se résume pas seulement aux lieux de culte. Ainsi, les études et les débats actuels visent à en considérer toutes les formes : couvents, monastères, institutions religieuses, cimetières, mobilier religieux, savoir-faire, traditions et même la paroisse comme découpage territorial.
Source : Fabrique Saint-Antoine-de-Padoue
La problématique du patrimoine religieux est multidisciplinaire et fait appel à l’expertise d’architectes, d’urbanistes, d’historiens, etc. En outre, on ne peut occulter les implications culturelles, anthropologiques et sociologiques soulevées par la pratique d’un culte. Ainsi, le patrimoine religieux est une composante mémorielle, culturelle et identitaire fondamentale de la société québécoise.
La situation au Québec
Au Québec la problématique entourant l’avenir du patrimoine religieux des deux communautés fondatrices est assez marquée puisque ce patrimoine interpelle des notions identitaires et symboliques de la société québécoise. Le partage des expériences vécues par les autres pays permet de mettre au jour des pistes de réflexions et des solutions pour assurer une pérennité de ce patrimoine. Plusieurs recherches, colloques, critiques éditoriales mettent de l’avant le processus de patrimonialisation qui s’opère sur le territoire de la province. L’imaginaire collectif est grandement affecté par la nécessité de s’interroger sur ce patrimoine.
En termes de préservation du patrimoine, le cas québécois soulève des questions liant foi et citoyenneté, particulièrement au niveau de la fonction communautaire occupée traditionnellement par les églises. La délimitation des rôles et responsabilités entre les acteurs concernés, tels que les autorités civiles ou religieuses, les citoyens ou les fidèles fait l’objet d’un intérêt marqué. Les thématiques soulevées par cet objet de recherche portent également sur la propriété des lieux, les législations patrimoniales et le lien entre le cultuel et le culturel. Par ailleurs, le fait que les églises constituent une composante majeure du paysage rural et urbain stimule une approche relevant de l’aménagement du territoire. La compréhension du processus de construction du patrimoine et des choix effectués par les décideurs fait également l’objet de questionnements. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec en 2012, l’aspect immatériel est dès lors légiféré, ce qui engendre un élargissement de la portée des protections.
Source : Architecture-Québec (ARQ), mai 2005
Les reconversions d’églises et de ses institutions (couvents, presbytères, etc.) se multiplient et attirent l’attention des chercheurs. Il est à noter que plusieurs terminologies sont utilisées pour aborder ce processus de transformation d’usage du lieu de culte : conversion, recyclage, mutation, requalification, etc. Cette thématique soulève elle-même plusieurs questionnements liés aux nouveaux usages des églises, à la désacralisation des lieux de culte et à la réappropriation des lieux publics et cultuels par les collectivités. En 2000, le rapport Arpin sur le patrimoine religieux recommandait l’instauration de politiques publiques favorisant le recyclage d’édifices patrimoniaux et la sensibilisation du public à la conservation. La Commission des Biens culturels du Québec s’était également penchée sur la pérennité du patrimoine religieux. Les travaux de la Chaire de recherche du Canada sur le patrimoine religieux bâti , dont la titulaire est Tania Martin, s’intéressent à la compréhension des expériences collectives et individuelles liées aux environnements religieux. La Chaire vise plus spécifiquement à développer de nouvelles stratégies pour revitaliser des immeubles dits patrimoniaux et proposer des améliorations aux politiques de conservation en considérant des exemples de reconversions. Notons aussi la contribution importante de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain qui a réalisée de nombreuses études sur le sujet tout en mettant de l’avant une démarche d’animation du site de l’ancienne église Sainte-Brigide-de-Kildare lors de son projet de reconversion.
L’intérêt des chercheurs et des praticiens sur la question de l’avenir du patrimoine religieux au Québec ne cesse de grandir depuis ces dernières années. Les articles, les mémoires et les thèses se sont d’ailleurs multipliés sur différents aspects des enjeux soulevés par ce patrimoine bâti, mobilier, archivistique et immatériel. Le Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ) a aussi contribué, depuis le début des années 2010, à la diffusion de l’état des églises dans le contexte québécois par la publication de cahiers sur l’état du patrimoine religieux tout en ciblant les églises en mutation par la réalisation la présentation de cas montréalais et régionaux, ainsi que par la mise à jour des usages des lieux de culte du Québec. De plus, le CPRQ organise un Forum annuel qui arrime diffusion, sensibilisation et éducation sur les questions entourant la sauvegarde et mise en valeur du patrimoine religieux. L’édition 2015 soulignera d’ailleurs les 20 ans d’existence de cette organisation provinciale sous le thème des « expériences et engagements en action ».
De nombreux ouvrages et articles tentent d’amener des pistes de solutions pour l’avenir du patrimoine religieux au Québec ; symbole culturel, mémoriel et identitaire. Ces derniers mettent en lumière les relations et les tensions entre les sphères cultuelle et culturelle que représente l’avenir du patrimoine religieux au Québec. De nos jours, les approches d’aménagement basées sur des modèles participatifs sont davantage axées sur des stratégies de coproduction. Le patrimoine est donc construit selon une philosophie « bottom up », c’est-à-dire, issue de la population. Ainsi, les citoyens, principalement les riverains, deviennent de réels acteurs du devenir de leur église de quartier favorisant le développement d’une affection particulière à ces composantes de leur milieu de vie. De plus, nous assistons maintenant à l’arrimage naturel entre la réutilisation du patrimoine avec les notions de développement durable. La tendance actuelle que vit le Québec à vouloir trouver de nouveaux usages s’inscrit dans cette logique « recyclage », voire de réutilisation du patrimoine assurant par le fait même la transmission aux générations futures. Ce nouveau regard sur le patrimoine est de plus en plus associé à l’état actuel du patrimoine religieux.
Parmi les publications récentes, soulignons l’ouvrage collectif de Lyne Bernier, Mathieu Dormaels et Yann Le Fur (2012) qui aborde le thème de la patrimonialisation de l’urbain dont un chapitre entier, rédigé par Lyne Bernier, est dédié aux églises du Québec et à leurs reconversions. Jean-Sébastien Sauvé et Thomas Coomans (2014) ont également dirigé un ouvrage intitulé Le devenir des églises: patrimonialisation ou disparition qui collige les différentes communications présentées lors de la 9e éditions des Rencontres internationales des jeunes chercheurs en patrimoine (Louvain, Belgique, 2013) sur le thème suivant : Au-delà du monument. Le devenir des églises : patrimonialisation ou disparition ? Dans cet ouvrage, on retrouve un chapitre de Josée Laplace qui aborde l’ambiance des églises, une notion qui est encore peu traitée. Enfin, en 2015, Lyne Bernier a déposé une thèse de doctorat intitulée : Les églises et les bâtiments à caractère religieux de Montréal : de la francisation à la patrimonialisation (Université de Bretagne occidentale, Brest, France).
Texte original rédigé par Stéphanie Poirier (Novembre 2005), révisé par Samuel Mathieu (août 2015)
*Samuel Mathieu est candidat au doctorat en études urbaines à l’INRS – UCS et professionnel de recherche pour le réseau Villes Régions Monde
Bibliographie
Ouvrages
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