Développement d’une démarche collaborative pour l’élaboration d’un plan d’action sur l’eau souterraine en Estrie

Par Renaud Delisle, étudiant à la maîtrise avec mémoire en aménagement du territoire, ESAD, FAAAD, Université Laval

Novembre 2022

*Cette nouvelle rubrique a comme objectif de mettre en lumière les projets de mémoire et de thèse d’étudiantes et étudiants qui s’intéressent aux enjeux urbains. Illustrés, ces articles abordent les questions qui les préoccupent, la méthodologie utilisée et dévoilent, le cas échéant, leurs résultats de recherche.

À ce jour, des projets d’acquisition de connaissances sur les eaux souterraines (PACES) ont été réalisés ou sont en voie d’être conclus dans la majorité des régions municipalisées du Québec. Plusieurs d’entre eux ont fait l’objet d’atlas hydrogéologiques ou d’ateliers participatifs offerts par le Réseau québécois sur les eaux souterraines (RQES) afin de faciliter le transfert des connaissances aux acteurs de l’eau.

Les PACES constituent la principale source d’information sur l’eau souterraine sur laquelle les organismes de bassins versants (OBV) peuvent se baser pour élaborer leur Plan directeur de l’eau (PDE). En matière d’aménagement du territoire, les municipalités régionales de comté (MRC) et les municipalités peuvent tirer profit du PDE pour intégrer des mesures de protection de leurs ressources en eau dans leurs documents de planification.

En dépit des efforts investis dans le transfert des connaissances issues des PACES, on constate que celles-ci ont été jusqu’ici très peu utilisées par les OBV et les MRC. L’origine du problème réside notamment dans la façon dont les connaissances scientifiques sont partagées avec les acteurs régionaux. L’approche actuelle ne favorise pas l’appropriation, par les acteurs, des notions relativement complexes reliées aux eaux souterraines. Dans ce contexte, l’objectif du mémoire est de développer une démarche collaborative impliquant les acteurs de l’eau et l’équipe de recherche dans l’élaboration d’un plan d’action pour les PDE des deux principaux OBV de la région d’étude du PACES Estrie, soit le COGESAF et le COBARIC.

L’équipe de recherche, composée de Roxane Lavoie et de Renaud Delisle de l’Université Laval, de René Lefebvre de l’INRS ainsi que de Julie Grenier du COGESAF, s’est efforcée de mettre en place des conditions favorables à une appropriation des enjeux par les acteurs de l’eau.

La démarche implique notamment de : (1) comprendre les contextes de prise de décisions concernant les eaux souterraines en aménagement du territoire au niveau régional, (2) sélectionner des enjeux prioritaires régionaux en se basant sur les principales préoccupations des acteurs, (3) s’assurer d’impliquer les acteurs clés en lien avec ces enjeux, (4) mettre sur pied une approche d’implication des acteurs en privilégiant notamment des ateliers collaboratifs en petits groupes et en faisant porter les ateliers sur un seul enjeu principal à la fois, permettant ainsi d’orienter les échanges et de canaliser les efforts d’identification d’actions envisageables et (5) développer des indicateurs de gestion durable des eaux souterraines pour faciliter la présentation des connaissances théoriques.

 

Démarche méthodologique

La démarche a conduit à la réalisation de trois ateliers collaboratifs thématiques au cours desquels les acteurs de l’eau ont échangé activement, et ce, même s’ils ne maîtrisaient pas complètement les enjeux. Le fait d’avoir rassemblé des acteurs et actrices d’horizons différents, que ces derniers aient travaillé ensemble et se soient entendus sur plusieurs constats ou actions envisageables représente l’un des succès de la démarche. Une synthèse puis une analyse de l’ensemble des informations colligées au cours des ateliers collaboratifs ont permis à l’équipe de recherche de produire une ébauche de plan d’action incluant plusieurs données utiles pour contextualiser les actions (p. ex., étapes préalables, acteurs pressentis, commentaires). Enfin, un atelier de validation regroupant une majorité de personnes rencontrées lors des ateliers collaboratifs a fourni l’information nécessaire pour valider l’ébauche et produire une version finale du plan d’action.

 

Résultats

Les constats formulés par les acteurs et actrices dans le cadre des activités collaboratives témoignent des obstacles qui freinent ou limitent la mise en place de mesures de protection des eaux souterraines. Les travaux de recherche ont permis d’identifier divers obstacles à l’origine de cette situation. À la racine du problème se situe une série de manques au niveau du cadre institutionnel de gestion intégrée de l’eau par bassins versants (GIEBV). Le fait de combler ces manques permettrait de mettre en place des conditions favorables à l’intégration des eaux souterraines dans les documents de planification, ce qui, par conséquent, pourrait conduire à une gestion durable des eaux souterraines à l’échelle régionale.

En guise de pistes de solution, le mémoire formule des recommandations regroupées sous les thèmes de la sensibilisation, de la gouvernance, du transfert et de l’échange de connaissances, du suivi des enjeux régionaux et des incitatifs financiers. Parmi les recommandations, il faut souligner l’importance pour l’État de mettre en place une orientation gouvernementale en matière d’aménagement du territoire (OGAT) fournissant aux aménagistes une vision et des objectifs clairs pour la protection des ressources en eau. Une OGAT faciliterait les efforts de sensibilisation des élus et élues, dont le consentement est nécessaire pour permettre aux aménagistes de consacrer du temps et des ressources financières à développer des mesures de protection.

Au-delà du plan d’action, le mémoire cible le besoin pour les aménagistes d’obtenir un accompagnement spécialisé qui les aiderait à traduire les concepts de protection des eaux souterraines en mesures concrètes d’aménagement. Un guide d’accompagnement des MRC comme celui produit par l’équipe du PACES Estrie remplit cette fonction et vise également à identifier des outils d’aménagement permettant d’opérationnaliser les mesures de protection.

Recherche menée sous la direction de Roxane Lavoie (Université Laval) et de René Lefebvre (INRS).