Par Lisa Ramin, diplômée de la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional (Université Laval)
Contexte de la recherche
Au Québec, six millions de personnes sont alimentées en eau potable par une source d’eau de surface (fleuve, rivières, lacs) et deux millions par une source souterraine (aquifère), par l’intermédiaire de puits municipaux ou privés. Quelle que soit son origine, l’eau distribuée doit répondre à une série de normes de qualité, conformément à la réglementation en vigueur.
À la suite de divers incidents ayant affecté des réseaux de distribution d’eau potable, notamment les contaminations de Walkerton en 2000 et de North Battleford en 2001, les autorités ont mis en place un cadre réglementaire plus exigeant afin de mieux protéger l’eau potable, de la source jusqu’à la distribution. À cet égard, le gouvernement canadien recommande l’approche dite « à barrières multiples », dont la première étape consiste à protéger la source d’eau potable.
En 2012, le gouvernement du Québec a publié la Stratégie de protection et de conservation des sources destinées à l’alimentation en eau potable. Cette stratégie propose une démarche en cinq étapes visant à acquérir une meilleure connaissance des sources d’eau potable et de leur vulnérabilité, afin de mettre en place des mesures de protection et de conservation. Cette démarche a été concrétisée par l’entrée en vigueur, en 2014, du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP), qui rend obligatoire la réalisation d’analyses de vulnérabilité des sources d’eau potable.
Ainsi, les municipalités alimentant plus de 500 personnes en eau potable doivent transmettre et mettre à jour, tous les cinq ans, un rapport sur la vulnérabilité de leur source, qu’elle soit souterraine ou de surface.
Au total, 515 rapports d’analyse de vulnérabilité (RAV) ont été transmis par 478 municipalités du Québec. La production de ces rapports a constitué un exercice inédit pour les municipalités concernées, qui se sont majoritairement tournées vers des acteurs externes — organismes de bassin versant, firmes de consultants en génie-conseil ou en environnement, groupes de recherche universitaire — pour les réaliser. Les RAV ont permis de générer de nouvelles connaissances et d’approfondir l’information disponible sur les sources d’eau potable au Québec. À terme, cette connaissance doit contribuer à l’élaboration de plans de protection pour ces sources.
L’objectif général de cette recherche était de comprendre les difficultés et les besoins des acteurs impliqués dans la réalisation des RAV, afin de soutenir leur renouvellement et de faciliter l’élaboration de plans de protection des sources d’eau potable.
Méthodologie
Les premières données disponibles pour évaluer la démarche de production des RAV ont été recueillies lors d’un sondage mené par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) en janvier et février 2022, auprès des municipalités ayant transmis un rapport. Les principales données utilisées dans cette analyse proviennent d’une série de 15 entretiens semi-dirigés, réalisés à l’été 2022 avec des représentants de municipalités et d’organismes concernés.
Résultats
La production des rapports d’analyse de vulnérabilité a représenté un processus long et exigeant pour les municipalités québécoises et les organismes impliqués. Le retour d’expérience recueilli auprès des acteurs a permis de documenter l’ensemble du processus, ainsi que de mettre en lumière les enjeux, les difficultés et les obstacles rencontrés.
Les résultats montrent que la protection des sources d’eau potable, tant en termes de qualité que de quantité, constitue un défi de taille pour de nombreux acteurs municipaux depuis plusieurs années. Les municipalités disposaient déjà de certaines connaissances sur leurs sources d’eau, accumulées au fil du temps et au gré des divers règlements provinciaux. Toutefois, la mise en œuvre de cette nouvelle démarche a soulevé plusieurs difficultés : accès aux données, défis méthodologiques, délais serrés, manque de ressources internes, etc.
Malgré ces obstacles, la majorité des personnes interrogées reconnaissent la pertinence de l’exercice. Même si les rapports n’apportent pas systématiquement de nouvelles données, ils permettent de centraliser, structurer et rendre plus accessibles les connaissances disponibles sur les sources d’eau potable, facilitant ainsi leur mise à jour et leur consultation.
Cependant, très peu de municipalités sont passées à l’étape suivante, soit l’élaboration d’un plan de protection fondé sur les résultats des RAV, comme le recommande le MELCCFP. Le manque de ressources internes, la technicité des rapports et la difficulté à prioriser les actions à entreprendre freinent cette transition.
La lourdeur du processus, la longueur et la complexité de certains rapports demeurent des obstacles importants pour plusieurs municipalités, qui ne disposent ni des capacités ni parfois des compétences techniques nécessaires pour synthétiser l’information et prioriser des mesures concrètes dans un plan d’action.
Parmi les recommandations issues de cette recherche, l’accompagnement des municipalités par des acteurs externes — ministères, organismes de bassin versant, chercheurs ou firmes spécialisées — s’avère indispensable pour favoriser la mise en œuvre de plans de protection des sources d’eau potable au Québec. Dans cette perspective, un des défis majeurs consiste à améliorer le partage des connaissances entre tous les acteurs impliqués dans la gestion et la protection de la ressource en eau.