DSCN4730Compte rendu – Journée d’étude

Ville et banlieue, qu’est-il advenu de la « révolution métropolitaine » ?

INRS-UCS (385, rue Sherbrooke Est, Montréal)
17 octobre 2014

Auteur : Marie-Pier Bresse

Séance 1 : Changements structuraux et formes urbaines
Métropoles et villes-régions : que retenir des débats récents ?
Pierre HAMEL, Université de Montréal

Pierre Hamel soutient que l’intitulé de son exposé est passablement ambitieux et qu’il est difficile d’y rendre justice. Quand on lit sur les régions métropolitaines, on se rend compte qu’il y a une pléthore de travaux. On peut tout de même formuler un certain nombre de remarques pour mettre en perspective la question du débat métropolitain sous l’angle de la démocratie.

Telle que décrite par Jon C. Teaford, la révolution métropolitaine a, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, transformé la vie sociale des villes et des banlieues en Amérique du Nord. Des images d’étalement, d’enclaves, de edge cities, de déconcentration spatiale, de tension entre localisme et régionalisme et de perte de centralité sont évoquées.

Dans la deuxième moitié du 20e siècle, d’autres travaux décrivent les transformations spatiales qui affectent la forme de l’agglomération en des termes similaires à ceux de Teaford. La nouvelle réalité métropolitaine correspond à un modèle de l’aménagement urbain qui se démarque clairement des réalités historiques précédentes, alors que les relations entre la ville-centre et les banlieues pouvaient être pensées en termes de symbiose et de complémentarité. À partir de la Deuxième Guerre mondiale, les tensions entre affirmation du local et intégration régionale ont pris de l’ampleur. Divers modèles de consolidation sont mis de l’avant avec des succès mitigés, voire limités. La gouvernance des nouvelles réalités métropolitaines connaît peu de succès; elle est même un échec.

Dans le cadre actuel de la globalisation, se référer seulement à l’Amérique du Nord ou à l’Europe est restrictif, étant donné la multiplicité des expériences, dans les pays du Sud notamment. Comment les nouvelles formes territoriales se construisent-elles sur le terrain social et politique ? Dans les conflits et les luttes autour de la reproduction des modèles de développement et de consommation, quels sont les acteurs anciens, les acteurs nouveaux ? Quel est le rôle de l’État ? Est-il illusoire de croire à la démocratie métropolitaine ?

La ville-région est une notion qui s’applique bien aux villes canadiennes. Elle a aussi l’avantage d’être compatible avec la nouvelle sociologie urbaine, et en ce sens elle contribue à penser la transformation des relations entre l’économie et le territoire. Dans le cadre d’une économie post-fordiste, la dimension régionale est submergée d’espaces de flux; la dimension politique est généralement sous-estimée au profit de la dimension économique. Selon Andrew Jonas et Kevin Ward, on ne tient pas suffisamment compte de la manière dont se construisent les nouvelles formes territoriales à travers le politique, et en particulier, comment les pratiques quotidiennes et les conflits des acteurs s’organisent autour de la consommation et de la reproduction sociale. De ce point de vue, l’État demeure un acteur important. Les auteurs invitent à moins de déterminisme dans leur analyse de l’espace régional. La ville-région ne peut être pensée comme une force autonome car elle est inscrite dans des processus de restructuration indéterminés, d’agencement entre le local et le global, qui sont des choix politiques. Quel rôle peut jouer la démocratie en ce qui a trait à l’avenir des villes-régions ? Les systèmes démocratiques demeurent le seul rempart à notre disposition pour réguler et surmonter les inégalités produites par les marchés. Il faut repenser le débat autour de la démocratie urbaine pour arriver à des villes plus justes à l’échelle des villes-régions.

Mais comment définir la démocratie à cette échelle ? La croissance des villes-régions repose sur les conditions du marché et des ressources provenant des paliers gouvernementaux. Plusieurs travaux de recherche sur les villes globales mettent en lumière les opportunités qu’elles offrent aux résidents, grâce à la présence des réseaux internationaux, mais ces opportunités sont contraintes car l’identité métropolitaine n’est pas acquise. Par exemple, à Montréal, plusieurs images ont été proposées sans qu’on parvienne à s’entendre sur une identité métropolitaine. En démocratie, il faut des mécanismes de représentation, mais il faut aussi un espace social et politique où tous peuvent se reconnaître. Dans le cas de Montréal comme dans le cas d’autres villes-régions, il faut résoudre la contradiction entre la compétitivité internationale et ses exigences, et les valeurs rattachées à la spécificité du local.

À Montréal, comment la démocratie métropolitaine peut-elle progresser ? Les résistances de la couronne nord et de la couronne sud à la création de la Communauté métropolitaine de Montréal et la position de certains élus de la ville de Montréal, qui expriment des réticences à une coopération avec les municipalités à l’extérieur de l’île, décrites pratiquement comme des adversaires, sont des freins importants.

Pour faire avancer la démocratie à l’échelle métropolitaine, on doit régler la question de l’identité métropolitaine et faire converger les groupes sociaux autour de cette identité. Il n’y a cependant pas de voie tracée à l’avance pour construire cette démocratie métropolitaine. Il faut retourner aux enjeux de la modernité, à la tension qui prévaut entre l’objectivation et la subjectivation ; les premiers sociologues qui se sont intéressés aux villes moyennes l’ont bien mis en lumière. Il faut aussi prendre en compte la distance entre nous et le monde caractéristique de la modernité.

En conclusion, la question qui se pose est : dans quelle ville veut-on vivre ? Selon Pierre Hamel, la démocratie continue de constituer un rempart contre les inégalités que créent les marchés, notamment à l’échelle des villes-régions.

Compte rendu complet (PDF)