Vivre ensemble à MontréalCompte rendu – Table ronde « Vivre ensemble à Montréal en 2018 »

Animatrice : Annick Germain (INRS-UCS)

Avec la participation de: Cécile Rousseau, Chedly Belkhodja, Laurent Vernet et Rabia Chaouchi

« Nous avons essayé d’adopter une perspective extrêmement large et de pallier une grande diversité de milieux où se déroulent le vivre ensemble des montréalais. Dans le livre, il y a des milieux aussi variés que des milieux scolaires, mais aussi des bains turcs, des quartiers, des parcs différents types de milieux ou les montréalais vivent ensemble avec ou non certaines difficultés (Germain, 2018). »

Suivant la parution de l’ouvrage « Vivre ensemble à Montréal. Épreuves et convivialités » chez Atelier 10 à l’automne 2017, le réseau Villes Régions Monde a entrepris d’organiser une discussion autour des thèmes de la diversité et du vivre-ensemble afin d’alimenter la réflexion et de partager expériences et connaissances. Animée par Annick Germain, professeure à l’INRS – Urbanisation Culture Société, quatre personnes ont été invitées à participer à cette table ronde : Cécile Rousseau, professeure titulaire, division de psychiatrie sociale et culturelle, Université McGill et directrice scientifique, Centre de recherche SHERPA, Institut Universitaire au regard des communautés culturelles, CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal ; Chedly Belkhodja, directeur et professeur, School of Community and Public Affairs, Concordia University ; Laurent Vernet, historien de l’art et urbanologue et commissaire au Bureau d’Art public de la Ville de Montréal et Rabia Chaouchichef d’équipe en développement social et relations interculturelles, au service de la Diversité sociale et des sports de la Ville de Montréal . Ils ont plus précisément été invités à répondre à ces deux questions : quels sont les forces et les manques de l’ouvrage ? Et quels sont les enjeux et défis de l’avenir ?

Si tous s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un ouvrage pertinent et accessible, et séduisant dira Cécile Rousseau, voire qui se « lit comme un roman », certains aspects se prêtent à la discussion. Rabia Chaouchi constate par exemple que la diversité y est vue principalement sous l’angle de l’immigration. Pour elle, la diversité c’est également la question homme-femme, les aînés, les personnes à mobilité réduite. Pour Chedly Belkhodja, il manque surtout l’aspect de l’émancipation, c’est-à-dire un aspect plus politique qui fait référence à l’engagement local et citoyen. Cet aspect, selon lui, n’apparaît pas dans l’ouvrage. On n’y retrouve pas non plus le point de vue des régions ou comment la diversité de Montréal est perçue à l’extérieur du centre urbain qu’est Montréal.

Annick Germain lance une deuxième série de questions aux invités : qu’a-t-on appris et avec quelles conséquences pour le futur ? Que devrions-nous surveiller de près dans les années à venir ? Et si nous devions imaginer les rubriques d’un prochain livre ?

À cela, Cécile Rousseau répond qu’en ce moment,  nous devons faire attention à nos illusions de « toute-puissance ». Nous avons une capacité limitée d’emprise et de contrôle sur ce qui nous arrive en ce moment. Malgré les efforts, il y a au Québec un haut taux de crimes haineux et nous avons finalement peu de pouvoir sur ce phénomène, peu de pouvoir sur ce qui se passe par exemple au sud de notre frontière. Sans se faire croire que le « vivre-ensemble » se portera mieux l’année prochaine, nous pouvons tout de même espérer limiter, ou du moins contrôler, les dégâts. Sur une note peut-être plus optimiste, Rabia Chaouchi parle d’un projet mis en place par la Ville de Montréal et qui a suscité engouement chez les jeunes et plusieurs retombées positives. Le projet #JEUNESSE375MTL a élu 19 ambassadeurs jeunesse issus de la diversité dans les arrondissements montréalais. Le bilan de cette expérience est en ligne. Laurent Vernet, affirme quant à lui que Montréal a une façon très organique de répondre aux défis de la diversité en mobilisant élus, citoyens et acteurs de divers horizons et que cela est encourageant. Il cite l’exemple des tam-tams sur le Mont Royal. Si cet événement a ouvert les Montréalais à la diversité au début des années 1990, il a également souffert de sa popularité au milieu de cette même décennie et traversé une sorte de « crise de croissance ». Menacé d’être interdit, c’est la mobilisation de nombreux acteurs et usagers qui a permis sa continuité sans dispositif de contrôle policier. Enfin, Chedly Belkhodja affirme que l’un des problèmes de la ville, c’est d’être devenue un lieu où avant tout on se préoccupe de fabriquer une image de la ville (branding). La ville est « cosmopolite », « branchée », etc., mais ces images fabriquées sont loin de rendre compte de la dimension humaine qui se construit dans les quartiers, de l’aspect relationnel ou du bon voisinage. Ces dimensions, devraient, selon lui, faire davantage partie du portrait qu’on fait de la ville.