Compte rendu du colloque Environment and People / Les milieux de vie et les personnes

17 mai 2018, UQAM
Par Guylaine L’Heureux, étudiante et assistante de recherche, UQAM

Introduction

Ce colloque s’est tenu à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), le 17 mai 2018. Il était organisé par Hélène BÉLANGER, chercheure principale du projet Revitalisation et gentrification : de l’affordance des lieux à la résilience culturelle (CRSH Savoir) et co-coordonnatrice du Groupe de travail Residential Environments and People de l’European Network for Housing Research (ENHR); en collaboration avec Priscilla ANANIAN, directrice de l’Observatoire sur les milieux de vie urbains (OMV) de l’ÉSG-UQAM et Richard MORIN, alors directeur du Centre de recherche sur la ville (CRV) de l’UQAM. Les trois étaient respectivement professeures et professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, membres du CRV et du Réseau Villes Régions Monde (VRM).

Ce colloque visait à présenter différentes dimensions de la relation réciproque entre les milieux de vie et les personnes et à en discuter. Il comprenait trois sessions : les milieux de vie, expériences et représentations; le design et la construction des milieux de vie; les temporalités, les rythmes et les échelles des milieux de vie. Ces trois sessions étaient précédées d’une grande conférence.

La grande conférence : La revitalisation des environnements résidentiels : un système d’analyse

Henny Coolen, professeur, OTB – Research for the Built Environment, Faculty of Architecture and the Built Environment, Delft University of Technology.

Selon Henri Coolen, la revitalisation des milieux résidentiels prend de nombreuses formes et requiert de nombreux processus différents. De plus, la revitalisation entraîne des conséquences qui peuvent affecter différemment ses acteurs, parmi lesquels se trouvent les habitants de l’environnement ainsi revitalisé. La complexité de la revitalisation n’est pas seulement liée au fait que ses processus sont imbriqués mais aussi au fait qu’ils interagissent les uns avec les autres. La vision d’une approche de système de développement et revitalisation, présentée à l’aide d’une étude de cas plus loin dans ces lignes, offre un cadre holistique afin de représenter et d’étudier cette complexité. Elle considère l’individu dans son environnement en tant que système central à étudier. En effet, on se développe et on évolue à travers son environnement (plutôt que de manière séparée d’un environnement donné), lequel s’en trouve également changé en conséquence. Ce système central est donc lié à d’autres environnements tels que les systèmes écologique, politique, économique, social et culturel à de multiples échelles spatiales et temporelles, allant des ressources héritées à l’adaptation au changement. Les « affordances » qui nous entourent sont utilisées et modifiées, ce qui crée de nouvelles « affordances » en retour.

Cette présentation a ainsi permis d’explorer une approche de système de développement – conçue en tant que synthèse moderne englobant des concepts empruntés à la théorie de l’évolution – et ce que cela suppose de considérer la revitalisation des environnements résidentiels à partir de cette perspective.

Une étude de cas, celui de Rotterdam Sud (sis au sud de la Meuse), a montré l’application d’une telle approche à travers les défis de la revitalisation en cours d’une zone en revitalisation afin d’améliorer son parc immobilier (qui comprendra dorénavant de nouveaux espaces publics) par le truchement du programme national Rotterdam Sud (NPRZ)

Première session, communication 1 : Vivre dans le Vieux-Montréal: les perceptions des résidents quant aux effets du développement urbain et touristique sur les aménagements locaux

Priscilla Ananian, professeure, département d’études urbaines et touristiques, UQAM, et Ariane Perras et Marie-Axelle Borde, assistantes de recherche et étudiantes respectivement aux programmes de maîtrise et de doctorat en études urbaines

Le développement urbain et touristique a entraîné une transformation des environnements dans les quartiers urbains plus anciens. Cette communication a mis l’accent sur la perception qu’ont les résidents de ces quartiers des effets du développement urbain et touristique sur les aménités locales tels que les commerces, l’infrastructure sociale locale et les services publics.

L’étude de cas du Vieux-Montréal et de ses faubourgs révèle que les résidents sont notamment préoccupés par l’absence de magasins d’alimentation dans le voisinage et qu’ils ont adopté plusieurs stratégies afin de répondre à leurs besoins quotidiens, mais aucune d’entre elles ne saurait contribuer à la qualité du milieu de vie, ni au sentiment d’appartenance au quartier.

Alors pourquoi s’installer dans le Vieux-Montréal? Selon l’enquête menée auprès des résidents, c’est afin de profiter du prestige d’une adresse sise dans le Vieux-Montréal avec son caractère culturel historique et distinctif. Également parce que cela permet de bénéficier de la proximité des restaurants et de certains événements attrayants. Enfin, ce choix est aussi lié à la présence du fleuve Saint-Laurent, de l’offre de transports en commun ainsi que de la présence de plusieurs pistes cyclables dans le secteur.

Selon les résidents interrogés, les développements en cours permettraient de soutenir les aménités locales dans la mesure où le développement touristique tiendrait compte de leurs besoins quotidiens. Cela serait bénéfique à la fois au développement résidentiel et touristique, atténuerait certains des éléments d’incompatibilité entre les utilisations du quartier. Tous les acteurs devraient donc travailler ensemble afin de développer une vision commune de la qualité de l’environnement urbain.

Première session, communication 2 : « Affordances » spatiales et résilience culturelle dans les quartiers en voie de gentrification: le cas de Colonia Roma Norte et Colonia Doctores à Mexico

Hélène Bélanger, professeure, département d’études urbaines et touristiques, UQAM

Comment la revitalisation, plus précisément la revitalisation d’espaces publics, déclenche-t-elle ou contribue-t-elle à la gentrification et à son impact sur la population locale à long terme ? Telle était la question centrale de cette communication.Selon Hélène Bélanger, la revitalisation permet de stopper la dégradation de l’environnement bâti. Cependant, en attirant les visiteurs, les touristes, les travailleurs, les nouveaux résidents dans des environnements résidentiels revitalisés, il y a un risque important que des expulsions ou des augmentations de loyer entraînent des déplacements physiques ou des déplacements symboliques, car, en transformant les milieux de vie, ces derniers ne répondront plus aux besoins des résidents les plus pauvres.

Et cette dynamique peut se produire avec la revitalisation d’espaces publics, même lorsque les objectifs sont inclusifs, du moins théoriquement. Ainsi, lorsque nous assistons à la création ou à la transformation d’espaces publics afin qu’ils répondent aux normes internationales de design moderne, visant à attirer des types spécifiques d’utilisateurs (sans en exclure explicitement d’autres) des « affordances » se créent ou changent. Les espaces publics nettoyés, assainis et dotés d’un nouveau mobilier urbain, conçu pour repousser les sans-abris, sauront répondre aux besoins et aux préférences d’utilisateurs spécifiques. Ces derniers s’approprient alors ces espaces en laissant peu de place aux utilisateurs moins désirables ou aux populations marginalisées qui deviennent alors de plus en plus invisibles. L’hypothèse présentée est la suivante : les usagers de longue date et les résidents se sentent envahis dans leur milieu de vie par l’arrivée d’une nouvelle population qui s’approprie les espaces publics conçus pour les attirer.

Cette hypothèse est au centre d’une recherche portant sur l’appropriation de l’espace public et la perception des transformations à Mexico, réalisée dans les quartiers de Colonia Roma Norte, une zone gentrifiée et juste à côté, Colonia Doctores, un quartier ouvrier.  Cette recherche traite principalement des effets de la revitalisation du parc Pouchkine situé à Colonia Roma Norte, en bordure de Colonia Doctores. Ce parc constitue une infrastructure importante du quartier, illustré sur leurs croquis par presque toutes les personnes interrogées. Les transformations dont ce parc a été l’objet ont été un déclencheur de sa réappropriation par une population différente, bien accueillie par les résidents, malgré qu’un seul ait critiqué le déplacement des anciens usagers.

Première session, communication 3 : Lieux clés dans la ville historique : la perspective des résidents

Jana ZDRAHALOVA, professeure, Department of Architecture and Urbanism, Czech Technical University in Prague

Cette communication a porté sur les résultats préliminaires d’un projet qui vise à analyser les valeurs urbaines dans les villes dont le patrimoine est protégé, en République tchèque. Ce patrimoine se trouve menacé notamment par l’exploration des sites du patrimoine par les touristes et la diminution de la vocation résidentielle à l’intérieur des centres historiques. Pour surmonter ces problèmes et améliorer l’attachement et le sentiment d’appartenance aux sites, la participation des populations locales à la fréquentation et à la gestion des objets ou des lieux du patrimoine est cruciale. Le concept « d’affordances » combinant l’utilisation et la signification des lieux analysés et la relation entre le lieu et l’individu aide à comprendre la signification des lieux et des objets sélectionnés.

Pelhrimov a été choisie comme ville type d’étude de cas en République tchèque.  À partir d’une analyse des itinéraires quotidiens des populations locales au sein de la structure urbaine, une série d’entretiens a été menée dans le cadre de cette recherche avec différents groupes issus de la population locale. Une description de leurs déplacements dans la ville lors de leurs activités au courant de la semaine, des weekends et tout au long de l’année ainsi que le mode de transport qu’ils utilisent a été enregistrée. Les répondants ont également dessiné leurs itinéraires et ont choisi cinq lieux ou objets importants pour eux dans la ville. La façon dont les gens fréquentent les lieux, leur relation avec ces lieux et la comparaison avec les caractéristiques physiques et architecturales des lieux ou des objets ont été évalués selon leur valeur patrimoniale.

Deuxième session, communication 1 : Concevoir et construire des environnements construits planifiés: l'évolution de la pratique du design urbain à Montréal depuis 1956

François Racine, professeur, département d’études urbaines et touristiques, UQAM

Les recherches sur l’aménagement urbain au Canada, malgré quelques exceptions notables, sont relativement limitées. La recherche qui sous-tend cette communication innove en traitant de l’évolution de la pratique du design urbain à Montréal après 1950, sous l’angle de l’étude de la forme urbaine.

L’objectif de cette recherche est de développer des outils aidant les concepteurs et les autorités locales à établir un dialogue entre les nouveaux environnements bâtis et le tissu historique de la ville afin   d’améliorer l’intégration spatiale et morphologique des nouvelles zones urbaines au tissu urbain dans son contexte.

Les projets présentés et comparés dans le cadre de cette communication étaient les suivants :

  • Les habitations Jeanne-Mance (1957-1959): approche moderne, organisée selon un plan libre
  • Le quartier Angus (1992-1998): approche postmoderne avec utilisation mixte
  • Faubourg Québec (2001-2017): approche contemporaine dans le but d’en reconstruire le tissu urbain

Ces projets illustrent les différentes stratégies de conception qui ont été adoptées : ils permettent de comprendre comment les théories du design urbain ont évolué au fil du temps et comment ils ont influencé la transformation de l’organisation spatiale, de la forme ainsi que de l’esthétique de la ville.

 En guise de conclusion, l’auteur souligne qu’il serait souhaitable que l’intégration physique planifiée du cadre bâti dans la ville soit améliorée : ce serait là une première étape afin de favoriser l’intégration de nouvelles communautés dans leur quartier et vice-versa. Les concepteurs devraient utiliser le contexte et le potentiel spatial d’intégration physique afin d’assurer la pérennité du nouvel ensemble urbain. Ils devraient également préserver l’intégrité structurelle du système morphologique ce qui en assurerait la cohérence.

Deuxième session, communication 2 : Des stratégies visant à faire avancer le discours public touchant la santé publique et l'urbanisme

Sophie Paquin, professeure, département d’études urbaines et touristiques, UQAM

Les villes ont développé un discours public sur la planification urbaine en matière de santé. Pour l’auteure, une stratégie d’action collective basée sur les compétences municipales, la mobilisation des connaissances en planification et en santé, la collecte de données sur l’environnement bâti et l’implication d’une large coalition intersectorielle d’acteurs communautaires et institutionnels est essentielle. Les études sur la santé montrent un consensus à l’effet que sur les trente années d’espérance de vie gagnées au cours du siècle dernier, huit seraient attribuables aux services de santé et vingt-deux à l’environnement, aux conditions de vie et à un mode de vie améliorés.

L’incidence du revenu, de l’éducation, de l’environnement social et physique serait beaucoup plus grande que celle associée aux habitudes liées à l’alimentation, au tabagisme et à la consommation excessive d’alcool.

L’un des principes fondamentaux de cette stratégie d’action consiste en l’importance de créer un environnement favorable à la santé. Ce dernier, en conjonction avec le renforcement de l’action communautaire et des capacités de médiation et de soutien, serait le nouveau moteur de la santé publique urbaine.

Les institutions publiques et le secteur privé prennent des décisions touchant à la fois les individus et les communautés. Ils influencent les choix individuels de la vie quotidienne tels que l’offre de nourriture, le transport et le lieu de résidence. Par exemple, en l’absence d’un réseau de transport en commun efficace ou de pistes cyclables sécuritaires, la population ne pourra pas choisir un mode de transport durable. Seul un environnement favorable pourrait faciliter ces choix. Il s’agit surtout de mobiliser les parties prenantes, acteurs privés, organismes communautaires et villes pour produire ces environnements.

Troisième session, communication 1 : Les changements dans les modes de consommation et leurs impacts sur les rythmes urbains dans les milieux de vie : les cas de livraison de nourriture et d'achats en ligne

Ugo Lachapelle, professeur, département d’études urbaines et touristiques, UQAM

Les déplacements des consommateurs dans les magasins ou les restaurants seraient en parties remplacés par l’apparition de nouveaux développements technologiques. L’auteur en a analysé deux.

Il a d’abord discuté du cas des applications mobiles de livraison de nourriture (à vélo ou à moto). C’est, selon lui, un moyen intéressant pour les restaurateurs de répondre aux besoins des clients hors de leurs locaux. Les applications mobiles permettent aux consommateurs de se faire livrer des repas à domicile. Mais cela peut entraîner la création de « cuisines clandestines » qui offrent des conditions de travail non réglementées. De plus, le restaurant de quartier pourrait être appelé à disparaître si moins de gens le fréquentent, changeant ainsi la dynamique et la vitalité d’un secteur.

L’auteur a ensuite traité des casiers de livraison de colis (en Australie). Ce système de livraison de colis dans des casiers est perçu comme un moyen efficace de récupérer des marchandises tout en réduisant les livraisons à domicile et permettant aux consommateurs d’avoir accès aux marchandises commandées hors de leurs heures de travail. Elle ne peut cependant s’avérer meilleure pour l’environnement (réduction des émissions de gaz à effet de serre) que lorsque les déplacements des consommateurs sont jumelés à d’autres courses dans ce même secteur.

L’auteur conclut que la livraison de nourriture et les casiers de livraison de colis visent à l’amélioration et à la flexibilité des options offertes aux consommateurs. Mais cela peut avoir un impact négatif sur la ville et la vitalité des commerces de proximité ayant traditionnellement pignon sur rue peu à peu délaissées par cette façon de faire. Qu’adviendra-t-il des commerces de proximité?

Troisième session, communication 2 : Individus, lieux et valeurs : le Living Lab en tant que processus d'innovation sociale pour les communautés touristiques

Dominic Lapointe, professeur, département d’études urbaines et touristiques, UQAM

Selon l’auteur, le tourisme transforme à la fois l’espace et le lieu, notamment par la marchandisation de l’espace et de la culture. Trois principaux défis peuvent être identifiés, soit celui de la main-d’œuvre et de la démographie, celui de la technologie et celui de l’adaptation aux changements climatiques.

Un Living Lab est vu comme processus d’innovation sociale offrant des réponses adaptées à ces défis en recentrant le programme d’innovation sur les individus, les lieux et les valeurs d’utilisation. Les Living Labs s’inscrivent ainsi dans un paradigme d’innovation ouverte qui nécessite une approche centrée sur l’utilisateur. Cette communication s’appuie sur deux recherches collaboratives mises en place de concert avec les acteurs du tourisme d’une destination rurale de l’est du Québec. L’une a mis l’accent sur l’évaluation et l’appropriation des nouvelles technologies et l’autre sur l’adaptation locale aux changements climatiques. Les deux ont été étudiées en lien avec les gens, les lieux et les valeurs. Il s’agissait de déterminer qui étaient les personnes touchées et pour quelle raison, quelle était leur compréhension d’un lieu, comment ce dernier était-il reproduit par le truchement de leur participation au Living Lab et, enfin, quelles valeurs seraient mises de l’avant afin de comprendre les situations et proposer une innovation dans l’adaptation sociale face aux changements technologiques et climatiques.

Ces recherches offrent une perspective et un point de vue sur le tourisme en tant que producteur de lieux, allant au-delà du processus de marchandisation. La valeur d’échange et le profit n’étant pas au cœur du processus d’innovation, davantage de recherches peuvent se pencher sur le tourisme en tant que facteur d’innovation sociale et sur l’adaptation suscitée par les rencontres culturelles qui en découlent.

Troisième session, communication 3 : Piétonisation du centre-ville de Bruxelles. Une analyse: de la zone piétonne au projet urbain

Sofie Vermeulen, en collaboration avec Michel Hubert, Eric Corijn, Serge Jaumain, Joost Vaesen, Aniss Mezoued et Margaux Hardy, BSI-Brussels Centre Observatory

Les projets de piétonisation visent notamment la revalorisation de l’espace public, la réduction des embouteillages, l’amélioration de la sécurité routière ainsi que la réduction du bruit et de la pollution de l’air.

À Bruxelles, la nouvelle zone piétonne du centre-ville est devenue l’un des projets urbains les plus importants de ces dernières décennies. Ce projet a non seulement suscité un débat public passionné sur l’impact de la mobilité et de la qualité de l’environnement, mais aussi sur la façon dont les acteurs publics gèrent le projet.

L’Observatoire du Centre BSI-Bruxelles (BSI-BCO) a été créé en 2016 par le Brussels Studies Institute afin d’objectiver le débat en suivant et en étudiant la dynamique propre au centre-ville. Cette collaboration interdisciplinaire entre cinquante chercheurs provenant de cinq universités rassemble la recherche existante et l’expérience professionnelle et pilote également de nouvelles recherches. Des scénarios et des alternatives concrètes ont été formulés pour atténuer la dualisation socio-spatiale dans le centre-ville de Bruxelles et soutenir un changement de paradigme vers une orientation de développement durable pour la ville.

Passer d’une ville conçue pour les automobiles à un centre-ville durable et vivable tout en redéveloppant l’espace partagé présente des défis. Des critiques ont été formulées sur la communication, la participation et la coordination des changements. L’auteure mentionne qu’il serait notamment souhaitable de mettre en place une structure de gouvernance pour le centre-ville métropolitain.

En conclusion, un centre-ville a besoin de plus que de la réalisation d’une piétonisation afin d’atténuer les impacts négatifs, d’améliorer ses fonctions et rendre davantage autonome les groupes les plus vulnérables.

Synthèse des communications

Richard Morin et Sophie Paquin, respectivement professeur et professeure au département d’études urbaines et touristiques, UQAM

Dans le cadre de cette synthèse, il a d’abord été question, pour donner suite à la dernière communication, du nouvel Observatoire des milieux de vie urbains (OMV), dont l’objet est directement relié à celui du colloque, à savoir les milieux de vie, et dont la directrice est Priscilla Ananian.

Il s’agit d’une unité de transfert des connaissances reconnue par l’École des sciences de la gestion (ÉSG-UQAM). Pluridisciplinaire et neutre, cette nouvelle structure qui regroupe plus d’une douzaine de membres-chercheurs a pour objectif d’étudier, d’accompagner et de nourrir les processus qui rendent la cohabitation des usagers et usages vivable et harmonieuse dans les milieux de vie urbains. Le lendemain de la tenue du Colloque, l’OMV lançait son projet pilote « Vieux-Montréal et ses anciens faubourgs ».

Ce projet émane de la recherche « Habiter le Vieux-Montréal et ses anciens faubourgs : enjeux, conflits et perspectives de développement résidentiel dans les quartiers anciens ». Dirigée par Priscilla Ananian entre 2014 et 2018,  cette recherche dont certains des résultats ont été présentés précédemment, s’est intéressée aux dynamiques et aux transformations d’un quartier mis sous pression par les développements résidentiels, touristiques et événementiels et par plusieurs grands projets urbains. Divers enjeux étudiés ont notamment révélé des tensions entre les multiples usagers et fonctions –   ainsi que des conflits d’usage générés par cette mixité dans le temps.

À la suite de ces résultats, l’OMV assurera, dans le cadre de ce projet, une veille permanente et dynamique de l’impact des projets de transformation de ce quartier sur la qualité du milieu de vie et agira à titre de plateforme d’échanges de connaissances et de bonnes pratiques. Il mettra à contribution l’expertise scientifique pluridisciplinaire des chercheurs.es, mais aussi l’expertise technique et pratique de différents intervenants et acteurs du développement local, ainsi que celle des acteurs et des usagers qui sont touchés au quotidien par l’évolution du quartier.

À la suite de cette présentation, quelques points saillants des communications du colloque ont été dégagés afin d’alimenter la réflexion des chercheurs.res et des partenaires de l’OMV ainsi que celle des membres du CRV et d’autres chercheurs.es.

La grande conférence et les communications de la première session ont porté sur les expériences et représentations des habitants de quartiers en processus de revitalisation (Coolen et Bélanger) ou de quartiers historiques (Ananian et Zdrahalova).

En ce qui concerne le processus de revitalisation, H. Coolen a mis l’accent sur la complexité de ce processus qu’il aborde comme un système en relation avec d’autres systèmes et sur les « affordances », c’est-à-dire les potentialités offertes par le milieu revitalisé, qui changent, sans toutefois évoquer les conflits qui peuvent en découler; de son côté, H .Bélanger, a mis en lumière la complexité, cette fois des rapports entre les individus et leur environnement, a traité de l’impact de la transformation de parcs qui crée ou modifie leurs « affordances », ce qui a un impact sur le processus de gentrification et ce qui représente un potentiel d’exclusion sociale et peut engendrer des conflits d’appropriation.  Quant aux quartiers historiques, P. Ananian et J. Zdrahalova se sont intéressées à leur vocation à la fois patrimoniale, touristique et résidentielle ainsi qu’à la représentation que se font les résidents de ces quartiers et à leurs rapports à ce que la première nomme des « aménités » et la seconde, à l’instar de H. Coolen et H. Bélanger, des « affordances ». Par ailleurs, alors que J. Zdrahalova a traité de l’intérêt relatif que les résidents portent au patrimoine menacé par le tourisme, P. Ananian s’est plutôt interrogée sur la cohabitation qui peut engendrer des tensions, entre résidents et touristes.

La seconde session abordait la construction et le design des milieux de vie avec deux communications très différentes. Cependant, chacune a porté sur les acteurs impliqués dans la production de l’espace et a conclu par un appel à ces acteurs. D’une part, F. Racine a mis en lumière le rôle du designer urbain et a analysé trois projets de design urbain en lien avec leur environnement construit et qui se sont intégrées, à des degrés divers, à la trame urbaine; il en a appelé à une plus grande prise en compte, par les designers urbains, du milieu de vie dans lequel leurs projets s’insèrent, le design urbain ayant un impact sur ces milieux de vie. D’autre part, S. Paquin s’est penchée sur les municipalités, le secteur privé et les organismes communautaires comme acteurs de la construction de l’environnement urbain et dont les interventions influencent les choix des individus dans leur vie quotidienne; elle a appelé à une coalition de ces acteurs afin de créer des milieux de vie favorables à la santé.

La troisième session avait pour thème les temporalités, les rythmes et les échelles des milieux de vie et comprenait, comme la deuxième session, des communications très différentes. Celle d’U. Lachapelle portait sur les nouvelles applications technologiques comme la livraison de repas à domicile qui réduit le temps de déplacement en ville ou l’implantation de casiers de livraison de colis accessibles en tout temps; l’auteur a souligné que ces applications ont non seulement un impact sur les temporalités des milieux de vie, mais aussi sur l’espace de ces derniers en ayant potentiellement un effet négatif sur la fréquentation des commerces de proximité. La communication de D. Lapointe a plutôt mis l’accent sur l’échelle locale des lieux affectés par le tourisme, traitant ainsi d’une activité abordée dans la première session, le tourisme, mais en l’analysant sous l’angle de l’innovation sociale que représentent les expériences de Living Lab qu’il a étudiées et sur celui des valeurs mises de l’avant par les participants à ces expériences; cette communication rejoint celle d’U. Lachapelle en ce qu’une de ces expériences concerne l’appropriation des nouvelles technologies et l’autre, l’adaptation locale aux changements climatiques qui renvoie au temps. Enfin, la communication de S. Vermeulen et al. avait trait à l’échelle du centre-ville de Bruxelles et à sa piétonnisation qui a un impact sur la mobilité des personnes, sur la qualité de l’environnement et sur les rythmes de la vie quotidienne; comme S. Paquin, les auteurs en ont appelé à une concertation des parties prenantes, dans ce cas-ci, du projet urbain de piétonnisation qui serait facilitée par une structure de gouvernance à l’échelle non pas strictement locale, mais métropolitaine.