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Intégrer le transport durable dans les processus décisionnels des municipalités québécoises : le cas de la revitalisation de rues
Février 2021
Par Francis Marleau Donais, étudiant au doctorat en aménagement du territoire à l’École supérieure d’aménagement et de développement régional (ESAD) de l’Université Laval
Contexte de la recherche
Au cours de la dernière décennie, plusieurs villes québécoises ont adopté une politique ou un plan de transport durable. Ces plans visent à répondre aux nombreux impacts négatifs causés par la dépendance à l’automobile. La revitalisation de rues (réaménagement et réfection des rues) est une mesure souvent mise de l’avant dans ces plans pour favoriser le transport actif et collectif. Toutefois, il arrive que la mise en œuvre de ces plans soit confrontée à différents obstacles qui font échouer la réalisation de la vision contenue dans ceux-ci. Cette situation est également vraie pour la revitalisation de rues, où le processus décisionnel ignore souvent les enjeux de transport actif, d’urbanisme, de santé publique et d’environnement. Les villes cherchent alors à améliorer leurs processus décisionnels pour mieux intégrer ces enjeux. C’est ainsi qu’est né, dans le cadre de la stratégie de rues conviviales de la Ville de Québec au Canada, un outil d’aide à la décision multicritère spatial. Le succès et le potentiel de cet outil ont suscité un intérêt au sein de plusieurs municipalités québécoises et soulèvent plusieurs questions :
- Quels sont les processus décisionnels actuels pour la revitalisation des rues, et comment les professionnels des municipalités incluent-ils le transport durable dans ces processus?
- Quels sont les avantages, les enjeux et les défis liés au développement d’outil d’aide à la décision multicritère spatial dans les municipalités?
- Comment les processus décisionnels pour la revitalisation des rues peuvent-ils être améliorés?
Méthodologie
Pour répondre à ces questions, des ateliers de groupe auprès de professionnels de 11 villes québécoises avec une population se situant entre 40 000 et 500 000 habitants ont été organisés en 2019 (Brossard, Drummondville, Gatineau, Granby, Laval, Lévis, Rimouski, Saint-Jean-sur-Richelieu, Sherbrooke, Trois-Rivières et Victoriaville). Les ateliers regroupaient entre 4 et 13 professionnels provenant de différents domaines (infrastructure, transport, environnement, urbanisme et géomatique) et duraient entre 2 et 3 heures. Au total, ce sont 87 professionnels et un élu qui ont été rencontrés. Les processus décisionnels actuels de chacune des municipalités, puis un processus global regroupant les principaux éléments de l’ensemble des municipalités, ont été traduits en schémas. Ensuite, les ateliers ont été analysés à l’aide de la méthode de cartographie causale dans le but d’illustrer les relations de cause à effet entre les différents concepts exprimés lors des ateliers. Ces cartes permettent d’identifier les actions à mettre en œuvre afin de réaliser les stratégies, puis les objectifs, d’un individu ou d’un groupe. Afin de valider et bonifier les résultats, quatre municipalités ont accepté d’être rencontrées lors d’un deuxième atelier et quatre autres ont accepté de commenter les résultats écrits.
Résultats
La schématisation des processus décisionnels des municipalités a montré que ceux-ci étaient principalement organisés autour du service de l’ingénierie et, en dehors de quelques exceptions, du critère de désuétude des infrastructures. Un changement dans les programmes de subventions gouvernementaux pour inclure des considérations environnementales, urbanistiques ou de transport lors de la réfection des rues pourrait inciter les municipalités à revitaliser les rues dans une perspective de transport durable. De plus, la schématisation de ces processus dans le futur pourrait aider les professionnels à mieux les comprendre en détails, mais aussi à identifier les problèmes actuels ainsi que les bonnes pratiques. Par ailleurs, pour les professionnels des municipalités, l’amélioration des processus décisionnels passe par (1) une intégration des différentes disciplines afin d’avoir une vision cohérente et globale, (2) une amélioration de la communication entre professionnels, élus et citoyens, et (3) une meilleure planification des projets pour saisir les opportunités et éviter d’agir en réaction aux événements. En ce qui a trait au développement d’outils cartographiques multicritères, les professionnels trouvent que ceux-ci présentent plusieurs avantages comme la création d’une cohérence organisationnelle, la structuration du processus décisionnel et la transparence des décisions. Toutefois, la réalisation d’un tel projet présente de nombreux défis pour les gestionnaires des municipalités : ils doivent arriver à gérer la résistance au changement en plus d’assurer le soutien des élus.
Enfin, en se basant sur nos résultats et sur les écrits portant sur la collaboration intersectorielle, une série de neuf lignes directrices a été proposée pour améliorer l’intégration du transport durable dans les processus décisionnels pour la revitalisation des rues. Le développement d’un outil cartographique multicritère est l’une de ces lignes directrices, mais plusieurs autres actions semblent à privilégier avant le développement d’un tel outil.
*Cette recherche a été effectuée sous la direction de Roxane Lavoie, professeure à l’École supérieure d’aménagement et de développement régional (ESAD) de l’Université Laval, d’Irène Abi-Zeid du Département d’opération et système de décision de l’Université Laval et d’Owen Waygood du département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique Montréal.