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L’influence du confort et du sentiment de sécurité dans la pratique du vélo chez les femmes montréalaises

Août 2023

Par Priscilla Dutra Dias Viola, étudiante au doctorat en urbanisme à l’Université de Montréal

Présentation de la recherche

Plusieurs facteurs peuvent influencer l’adhésion au cyclisme, tels que la présence d’infrastructures, l’environnement bâti, le climat, etc. Cependant, l’effet de ces facteurs peut varier selon les caractéristiques personnelles, telles que l’âge et les rôles de genre. Par exemple, de nombreuses recherches montrent que les infrastructures cyclables constitueraient l’un des facteurs les plus importants pour la promotion du cyclisme chez les femmes. Une hypothèse suppose que les femmes accordent plus d’importance que les hommes aux types d’infrastructures cyclables et à leur qualité. L’objectif de notre recherche doctorale est de comprendre la pratique du vélo chez les femmes à Montréal et les facteurs qui l’influencent.

Méthodologie

Menée en fonction d’une approche mixte (qualitative et quantitative), cette recherche explore les expériences vécues par les femmes cyclistes de Montréal et les déterminants du cyclisme selon leur perspective. La méthodologie prend appui sur deux étapes. Premièrement, la réalisation de 28 entretiens semi-dirigés auprès de femmes cyclistes et deuxièmement, une analyse d’hypothèses de corrélation entre les caractéristiques des infrastructures cyclables et la pratique du vélo chez les femmes. Cette analyse se fait à partir des données de l’enquête Origine-Destination (OD) 2018 de Montréal (qui décrit en détail les déplacements quotidiens de la population), ainsi que du Système de classification du confort et de la sécurité des voies cyclables canadiennes (Can-BICS).

Résultats

D’une part, lors des entretiens, les participantes ont exprimé leurs points de vue sur les avantages et les inconvénients du vélo, ainsi que les conflits et les peurs auxquels elles sont confrontées. Selon les interviewées, le type et la largeur de chaussée, l’éclairage des rues, etc., peuvent avoir un impact direct sur le confort et la sécurité des déplacements à vélo, mais peuvent aussi influencer la décision d’itinéraire ou le choix d’emmener ou non les enfants à vélo. D’autre part, l’analyse des données quantitatives montre que les quartiers disposant d’une plus grande concentration d’infrastructures cyclables comptent aussi plus de femmes cyclistes.

Afin de tester l’hypothèse de corrélation entre la qualité des infrastructures cyclables et la pratique du vélo, une analyse a été réalisée en combinant les données de Can-BICS et celles de l’enquête OD 2018 de Montréal. Le système Can-BICS classifie les infrastructures selon le niveau de confort et de sécurité des déplacements (grand, moyen et faible) et aussi par catégories spatiales, en utilisant la quantité totale d’infrastructures cyclables par kilomètre carré pondérée par la classe de confort (figure 1). À partir de l’enquête OD 2018, les déplacements à vélo ont été analysés selon le genre et l’origine géographique des cyclistes. Le nombre de déplacements a été normalisé pour que la comparaison entre les déplacements des femmes et des hommes soit égale.

La figure 2 montre une matrice de couleurs où l’axe Y indique l’augmentation de la quantité d’infrastructures de grand confort selon le Can-BICS et l’axe X indique le nombre normalisé d’origines des déplacements à vélo selon les données OD 2018. La plupart des zones ayant de nombreuses infrastructures de grand confort comptent aussi beaucoup de cyclistes (couleur marron), tant dans le cas des hommes que dans celui des femmes. Plusieurs de ces secteurs coïncident avec les régions où se trouvent la plupart des pistes cyclables de Montréal, comme c’est le cas du centre-ville, de Rosemont et du Plateau Mont-Royal.

Un fait intéressant à observer est que la carte des déplacements à vélo des hommes comporte plus de zones rouges comparativement à la carte des femmes. Cela signifie que dans le cas des hommes, les régions où il y a peu d’infrastructures de grand confort accueillent quand même beaucoup de cyclistes. De plus, il est possible de remarquer que, dans certains cas, des zones qui sont en rouge sur la carte des cyclistes masculins (peu d’infrastructures de grand confort, beaucoup de cyclistes) sont grises dans le cas féminin (peu d’infrastructures de grand confort, peu de cyclistes). Cela peut indiquer que l’accès à une infrastructure cyclable plus confortable peut être plus important pour les femmes que pour les hommes cyclistes. Il semble que les femmes cyclistes à Montréal soient plus susceptibles que les hommes de choisir un itinéraire offrant une infrastructure cyclable plus confortable.

Il est important de souligner que lors des entretiens, les participantes ont beaucoup parlé de la perception selon laquelle les hommes prendraient plus de risques que les femmes, un facteur que corrobore la carte, qui indique que plus d’hommes cyclistes fréquentent des endroits comptant peu d’infrastructures cyclables de grand confort.

Enfin, il est intéressant de noter qu’il existe de nombreuses zones bleu clair aux abords du fleuve et du canal Lachine, particulièrement sur la carte des femmes. Ces zones indiquent une grande quantité d’infrastructures de grand confort, cependant peu fréquentées par les cyclistes. Nous posons l’hypothèse que l’enquête OD aurait été réalisée un jour de semaine type, où les déplacements utilitaires sont un peu plus nombreux, alors que ces espaces, au bord de l’eau, sont plutôt fréquentés la fin de semaine, pour des déplacements de loisir.

Conclusion

Ainsi, la pratique du vélo passe, entre autres, par des investissements dans les infrastructures cyclables qui permettraient à tous et toutes de se déplacer confortablement et en toute sécurité. Ce travail permet de comprendre les facteurs d’influence sur le cyclisme féminin, contribuant ainsi à une meilleure compréhension des défis contemporains de la promotion du vélo.

 

* Ce texte présente des résultats partiels de la thèse de doctorat intitulée Le vélo au féminin : déterminants et pratiques du vélo dans la perspective des femmes de Montréal et de Belo Horizonte.